Combien de députés bretonnants à l'Assemblée nationale ? Un ou deux ?
On ne peut pas dire que c'est en ce moment la préoccupation majeure des électeurs ni le critère déterminant sur lequel ils se prononcent. Ce n'est pas non plus le point fort des candidats. Les députés bretonnants étaient au nombre de deux dans la précédente Assemblée nationale. Tous deux se réprésentaient : l'un a déjà été réélu, l'autre est en ballottage. Y aura-t-il un nouveau ?
Paul Molac est l'un des quatre seuls députés élus ou réélus dès le premier tour des législatives dans la France entière : dimanche dernier, il a obtenu 54 % des voix sous l'étiquette LREM dans la circonscription de Ploërmel, dans le Morbihan. Il était déjà et sera donc probablement à nouveau le seul dans la nouvelle assemblée à pratiquer deux langues régionales, à savoir le breton et le gallo.
Jean-Luc Bleunven, lui aussi député sortant (divers gauche) et s'exprimant lui aussi couramment en breton, se représentait dans la circonscription de Brest rural (Finistère) avec l'appui du Parti socialiste : il est largement distancé à l'issue du premier tour et aura bien du mal à retrouver son siège.
Yannick Kerlogot se présentait pour la première fois à la députation dans la circonscription de Guingamp (Côtes-d'Armor), sous l'étiquette LREM. Il est déjà connu pour avoir été le président de Kendalc'h dans les Côtes-d'Armor, comme élu municipal (d'opposition) à Guingamp et comme conseiller départemental. Il a appris le breton par différents moyens (cours du soir et par correspondance, stages…), ce qui lui a permis de devenir professeur des écoles bilingues en maternelle. Mais il reconnaît lui-même ne pas avoir une grande aisance à s'exprimer en breton sur des sujets complexes. Il est en ballottage favorable sur sa circonscription.
Une situation piquante
Si Yannick Kerlogot est élu dimanche soir député de Guingamp, il compte s'investir à l'Assemblée sur la question des langues régionales : il croit possible une relance du processus de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ou à tout le moins le vote par l'Assemblée nationale d'une loi confortant le statut des langues de France.
Et c'est là que la situation ne manquerait pas de piquant, car il succéderait à la députée sortante, Annick Le Houérou. Or cette dernière avait déposé une proposition de loi cosignée par la moitié de ses collègues PS de l'Assemblée nationale, avec pour objectif de proposer systématiquement une offre d’enseignement en langue régionale dans les territoires où elles sont encore pratiquées. La proposition a été débattue et les premiers articles ont déjà été adoptés en séance plénière lors de la précédente mandature : la nouvelle assemblée peut parfaitement en reprendre l'examen. Yannick Kerlogot voudra-t-il prendre le relais d'Annick Le Houérou sur ce dossier ou voudra-t-il tout reprendre à zéro ? Affaire à suivre.
Les langues régionales : absente du débat public
On ne peut qu'observer par ailleurs que cette question du statut des langues régionales ou des langues de France n'a pas été très présente dans le débat public ni avant le premier tour des législatives ni entre les deux tours. Elle n'avait guère été abordée non plus lors de l'élection présidentielle. Que ce soit Fillon, Hamon, Mélenchon ou Le Pen, on ne les a jamais beaucoup entendus s'exprimer à ce sujet, si ce n'est avec circonspection.
Pour ce qui le concerne, Emmanuel Macron, le nouveau président de la République s'en est tenu à des déclarations de principes. Une phrase dans son livre "Révolution" et une autre lors de son meeting de Quimper le 16 janvier dernier. Après être monté à la tribune au son du biniou et de la bombarde (comme il se doit), E. Macron avait affirmé ce jour-là :
- "Les langues de Bretagne sont une formidable richesse. Leur enseignement doit être encouragé et accompagné."
La question n'est plus que de savoir comment concrètement cela se ferait. Il est assez improbable que les langues régionales soient considérées comme l'un des dossiers prioritaires sur lesquels le nouveau pouvoir veut statuer rapidement par ordonnances. Dans ce cas, les parlementaires de la nouvelle assemblée vont devoir engager à nouveau un gros travail de patience pour faire enfin aboutir ce dossier.
Paul Molac a déjà défini, pour ce qui le concerne, les trois dossiers majeurs sur lesquels il compte s'impliquer : l'agriculture, l'enseignement des langues régionales et le renforcement de la régionalisation. Il escompte que les Bretons sauront se manifester auprès de leurs nouveaux élus pour une meilleure prise en compte de leurs préoccupations en ces domaines. Il faudra sans doute attendre après l'été pour voir ce qu'il en sera.