Le Conseil culturel de Bretagne en crise : démission de Rozenn Milin
Le malaise couvait depuis plusieurs semaines, sinon plusieurs mois. La très médiatique Rozenn Milin avait été élue présidente du Conseil culturel de Bretagne (CCB) il y a un an, très précisément le 14 janvier 2023, avec une confortable majorité de 53 voix. Il faut savoir que ce Conseil consultatif de 70 membres est constitué de représentants du monde associatif et institutionnel issus des cinq départements bretons et qu’il a pour mission de donner des avis et de fournir des études au Conseil régional de Bretagne sur tout ce qui se rapporte à la langue bretonne, à la culture, au patrimoine, y compris le tourisme.
- Ci-dessus : Rozenn Milin nouvellement élue présidente du Conseil culturel de Bretagne, avec le président du Conseil régional de Bretagne, Loig Chesnais-Girard et le chanteur Alan Stivell, président d'honneur du CCB. Photo DR.
Les fortes déclarations de la nouvelle présidente
Rozenn Milin succédait à ce poste au journaliste et écrivain Bernez Rouz, Hervé Richardot étant vice-président. Son parcours plaidait pour elle, depuis ses premières émissions radio en langue bretonne à Brest, puis sur RBO à Quimper, sa participation aux programmes de FR3 avant qu’elle ne devienne la directrice de TV Breizh, sans parler de ses activités de recherche. Dans son édition du 16 janvier, Le Télégramme rapportait les fortes déclarations de la nouvelle présidente : « on se battra, disait-elle, pour être écouté. » Estimant que le breton comme le gallo sont en danger, elle considérait que « le poids de fait » que représente le CCB « doit être utilisé pour accompagner la Région », concernant notamment le contrat de plan État-Région « qui n’est pas respecté pour ce qui est des langues de Bretagne et l’augmentation du nombre d’enseignants. » Elle envisageait également de contester « l’inégalité flagrante sur la dotation de l'État » dans le domaine de la culture entre la Bretagne et l’Île-de-France.
Comment la mécanique s’est-elle enrayée ?
- Dès le mois de juin 2023, la présidente du CCB faisait l’objet d’une « désapprobation [de la] plénière du 17 juin » par des membres d’une commission,
- Puis, le 4 octobre d’une « Lettre ouverte [au CCB] de la part d’une conseillère »,
- Enfin, le 10 novembre d’un courrier adressé au bureau par 40 conseillers titulaires et suppléants, suivi aussitôt d’un courrier signé de 11 conseillers critique à l’égard du précédent.
- Le vice-président Hervé Richardot avait démissionné du CCB du Conseil culturel entretemps.
Lors de la session ordinaire du 2 décembre, il est décidé d’une journée de travail à la date du 20 janvier autour du fonctionnement du Conseil culturel de Bretagne. Différents échanges ont lieu au cours de la période intermédiaire.
J’ai pu me procurer le courrier que le président du Conseil régional de Bretagne, sans vouloir s’immiscer, écrit à tous les membres du CCB le 7 décembre, escomptant une issue favorable aux différends actuels » (à télécharger ci-après). Il ne s’attendait pas au pire.
- Ci-dessus : le bureau du Conseil culturel de Bretagne avec Rozenn Milin au centre, après son élection. Photo DR.
Une déflégration en trois temps
Premier coup de tonnerre le 12 janvier : le bureau annonce que cette journée de travail ne se tiendrait pas. La vice-présidente Sophie Lathuillère, également présidente de commission, annonce à son tour sa démission.
Le Président du Conseil régional, Loig Chesnais-Girard, s’en émeut, plaidant le 15 janvier « pour que la session extraordinaire du 20 janvier, demandée et validée lors de la dernière assemblée plénière du CCB, se tienne effectivement. »
Deuxième coup de tonnerre : Rozenn Milin n’en tient pas compte et diffuse deux jours plus tard un courriel confirmant l’annulation de la session extraordinaire du 20 janvier.
L. Chesnais-Girard ne peut qu’en prendre acte deux jours plus tard, considérant comme « important » et « nécessaire » que se tienne néanmoins la session du 3 février, directement liée à la session budgétaire du Conseil régional.
Troisième coup de tonnerre : dès hier soir, mercredi 31 janvier, Ouest-France annonce sur son site la démission de Rozenn Milin de ses fonctions de présidente du Conseil culturel de Bretagne. Sans faire le moindre écho aux turbulences en cours, elle n’explique son départ que par l’urgence qu’elle a à faire face « à des échéances » : finaliser un portail sur l’histoire de la Bretagne ainsi que les deux ouvrages qu’elle doit remettre à ses éditeurs d’ici l’été.
Des projets "plus utiles que le reste"…
« Ces projets me semblent plus importants et plus utiles que le reste", ajoute-t-elle tout compte fait. C’est quoi « le reste » ? Le Conseil culturel de Bretagne, apparemment. N’aurait-elle pas fait le bon choix en acceptant d’en devenir la présidente ? N’assume-t-elle plus les déclarations qu’elle avait faites à la suite de son élection ?
Sa démission est une déflagration. Au conseil régional comme dans les milieux culturels bretons, elle n'était pas tout à fait inattendue. Elle va être largement commentée et personne ne sait trop ce que va devenir désormais un conseil culturel qui fut créé en 2009 à l’initiative du président Jean-Yves le Drian, il y a donc quinze ans. La crise pourrait durer un moment : l’onde de choc peut-elle se propager ?
Pour en savoir plus : le courrier du président du Conseil régional, le 7 décembre, au membres du CCB, à télécharger : President_CReg_CCB
Mis à jour : 1er février 2024, 21h17, puis 22h46.