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Le blog "langue-bretonne.org"
7 octobre 2025

L’Église catholique et la langue bretonne de 1945 à nos jours : histoire d’un divorce.

Maïna Sicard-Cras va soutenir sa thèse à Brest

Maïna Sicard-Cras, lors du congrès de la SHAB ( Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne) à Carhaix en 2022. Photo : FB.

 

Maïna Sicard-Cras est journaliste-présentatrice à France 3 Pays de la Loire à Nantes. Elle est titulaire d’une triple licence (histoire de l’art, histoire et journalisme). Elle a validé en 2016 un master 1 de breton à l’Université de Rennes 2 et en 2020 un master 1 et 2 en Sciences des religions et sociétés à l’Université d’Artois, consistant en une analyse de la population des médecins ordonnés diacres en France.

Parallèlement à son activité professionnelle, elle a entrepris il y a quatre ans de mener une recherche universitaire en vue d’une thèse dont l’intitulé précis est :

  • De Feiz ha Breiz à Feiz sans Breizh : histoire d’un divorce. L’Église catholique et la langue bretonne de 1945 à nos jours.
  • Feiz ha Breiz [La foi et la Bretagne], Feiz sans Breizh [La foi sans la Bretagne].

Sa soutenance de thèse est prévue le mercredi 5 novembre prochain. Elle en présente un résumé dans les termes suivants.

 

La débretonnisation rapide de la Basse-Bretagne

Cette étude débute au sortir de la Seconde Guerre mondiale, quand la langue bretonne est déjà en voie de disparition des foyers bretons. Néanmoins, comme le montre l’enquête réalisée par les séminaristes de Quimper en 1946, plus de la moitié des clercs des paroisses du Finistère prêchent encore en langue bretonne, mais la jeunesse aspire à parler le français.

Selon les études, au moins 1 100 000 Bretons étaient encore bretonnants à l’orée des années 1950. Malgré le rôle actif de l’association du Bleun-Brug, la débretonnisation linguistique de la Basse-Bretagne progresse très rapidement, conjointement à une déchristianisation des jeunes générations.

 

Une analyse chronologique en trois temps

Ainsi, en 1963, année de promulgation de la constitution Sacrosanctum Concilium qui autorise l’usage des langues vernaculaires dans la liturgie, le breton est une langue devenue presque étrangère à la liturgie en Bretagne. Telle est donc la question de cette thèse : pourquoi, hormis quelques réalisations qui relèvent plutôt de l’exception que de la norme, une liturgie bretonne n’a-t-elle pas pu voir le jour en Bretagne après la réforme liturgique issue de Vatican II ?

Une demande pour le catéchisme en français
Une analyse chronologique en trois temps semblait être la plus pertinente pour tenter de répondre à cette question. La première partie s’intéresse à l’abandon progressif du breton dans la vie religieuse. Elle s’intitule « Illusion », car certains acteurs refusent d’admettre cet état de fait, et espèrent encore retrouver une situation digne du début du XXe siècle. La langue bretonne maintient une certaine présence en 1946 lors des sermons du dimanche, des missions et des retraites, mais les jeunes parents commencent à élever leurs enfants en français et demandent que le catéchisme leur soit donné dans la langue nationale.

 

Les années 1970 : un tournant pour la Bretagne

Après la réforme voulue par Vatican II et jusqu’à la création du Minihi-Levenez à Tréflévénez, la place du breton devient une « Désillusion » pour les tenants de la langue bretonne dans l’Église, tant elle devient chaque jour de plus en plus invisible et inaudible. Alors que le microcosme de clercs bretonnants se dispute sur l’orthographe bretonne à laquelle accorder la primauté, le peuple breton, quant à lui, délaisse chaque jour davantage sa langue au profit du français.

La peau de chagrin

Les années 1970 marquent par ailleurs un tournant pour la Bretagne : la jeunesse se politise et s’engage dans des cercles autres que catholiques, comme dans l’enseignement et dans la culture. Le combat de la langue bretonne ne se fait plus à l’Église, surtout que la nouvelle génération des clercs paroissiaux post mai 1968 est dans la droite lignée de l’Action catholique et pointe du doigt tout ce qui est « traditionnel » comme « arriéré ».

Enfin, de 1984 à nos jours, le breton n’est plus qu’une simple « Allusion » dans l’Église, réduit comme une peau de chagrin. On aime à entendre un cantique breton de temps en temps ou quelques mots lors des funérailles, mais la pratique religieuse en langue bretonne dans le quotidien des fidèles a quasiment disparu.

La langue bretonne : une valeur locale ?

Cette étude met en avant les trois grandes raisons de cet échec. D’abord les évêques bretons ne pouvaient pas ou ne souhaitaient pas imposer une ligne directrice précise à leurs ouailles et moins encore à leurs prêtres. Puis, ils reprochaient aux bretonnants de n’être pas suffisamment unis pour la même cause. Enfin, la langue bretonne n’était, selon eux, pas ou plus pratiquée dans l’espace public.

La question de la langue bretonne est donc laissée à l’abandon comme l’affaire d’une minorité qui n’a pas l’avantage de susciter les vocations ni même d’attirer de nouveaux fidèles. La question bretonne est perçue comme une valeur locale et temporelle, alors que la préoccupation de l’Église est essentiellement surnaturelle et universelle.

 

L’arrivée des touristes
Maïna Sicard-Cras illustre l’approche de sa thèse par un extrait d’un article paru dans La Semaine religieuse du diocèse de Quimper et Léon le 8 juillet 1955, p.403, intitulé « L’arrivée des Touristes (sic) », qui lui paraît donner la tonalité de sa recherche.

 

Article de La Semaine religieuse du diocèse de Quimper et Léon de juillet 1955.

Article de La Semaine religieuse du diocèse de Quimper et Léon de juillet 1955.

La soutenance se déroulera le mercredi 5 novembre 2025 à 14h00 dans la salle Yves Moraud de la Faculté des Lettres et Sciences humaines Victor Segalen à l’UBO, salle B001.

 

Le jury sera composé de… 

  • Ronan Calvez, Professeur des Universités à l’Université de Bretagne Occidentale, rapporteur
  • Myriam Guillevic, Maître de conférences à l’Université de Rennes II 
  • Eva Guillorel, Maître de conférences (HDR) dans la même Université, rapporteur 
  • Marie Levant, Chercheuse Marie Curie et membre de l'École française de Rome
  • Yvon Tranvouez, Professeur émérite des Universités à l’Université de Bretagne Occidentale
  • et Fabrice Bouthillon, Professeur des Universités dans la même Université, directeur de thèse.

 

La polémique autour des obsèques de Marc’harid Gourlaouen (1902-1987) à Douarnenez

Lors du congrès de la SHAB (Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne) à Carhaix en 2022, Maïna Sicard-Cras a présenté une communication sur le déroulement des obsèques de Marc’harid Gourlaouen (1902-1987) à l’église de Douarnenez. Alors que cette militante bretonne de 85 ans, longtemps responsable du cours par correspondance de breton Skol Ober [Le cours du Faire],  avait expressément demandé qu’elles soient célébrées « e brezhoneg penn da benn » [intégralement en breton], cela ne fut pas le cas.

L’affaire déclencha une polémique et une pétition, qui ont fortement agacé le diocèse de Quimper et Léon. Le texte de cette contribution est paru dans le tome CI (2023) des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, p. 601-622.

Pour en savoir plus et télécharger cet article : aller sur le site Bretagne Histoire de la SHAB.

Commentaires
Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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