L'Atlas créole des Petites Antilles conçu à Brest
En 2001, il y a très exactement dix ans, paraissait le nouvel ALBB, autrement dit le Nouvel Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne. L'auteur en est Jean Le Dû, professeur émérite de celtique à Brest et internationalement connu comme spécialiste de géolinguistique et de dialectologie. L'atlas, en deux grands volumes, comportait au total 600 cartes. Son but était de rendre compte de la variation géographique des parlers bretons "de chez nous" - les badumes – aux plans phonétique, morphologique et lexical.
Ce fut une recherche de longue haleine, puisque l'enquête de terrain a été menée dans 187 points différents, soit dans près d'une commune sur trois en Basse-Bretagne et qu'il a fallu ensuite assurer la transcription phonétique des réponses. Avec ses 600 cartes, réparties en deux volumes grand format, le nouvel ALBB est considéré comme un travail de référence.
Une connexion entre chercheurs antillais et bretons
Jean Le Dû a ensuite été sollicité pour piloter une recherche équivalente sur les créoles. À l'invitation de Jean Bernabé, il avait donné quelques cours sur la langue bretonne à l'Université de la Martinique et avait initié les étudiants de créole à la géolinguistique. Ce sont eux qui ont réalisé les enquêtes dans les différentes îles des Petites Antilles
- à l'exception de la Réunion, dont l'atlas linguistique avait déjà été publié au CNRS en 2001 par Michel Carayol et Robert Chaudenson
- et du Brésil, où des Indiens vivant tout près de la Guyane parlent le créole et où l'enquête a été réalisée par une enseignante de l'Université de la Jamaïque.
Jean le Dû a ensuite exploité toutes ces enquêtes et en préparé l'édition avec le concours de Guylaine Brun-Trigaud, ingénieure CNRS à Nice, où elle collabore au Thésaurus occitan. Ce qui est quelque peu inattendu dans cette histoire, c'est que le traitement informatique des données a été réalisé par les auteurs avec l’aide d’un informaticien et d’un cartographe de l’Université de Brest : il a permis non seulement de tracer les cartes phonétiques mais aussi de réaliser des cartes interprétatives en couleur. En contribuant ainsi à la publication de l'atlas créole des Petites Antilles, Brest apparaît ainsi comme une sorte de capitale de la géolinguistique.
Le premier volume vient de paraître et retient déjà l'attention de tous ceux qui s'intéressent au créole et de tous ceux qui se passionnent pour les langues. Il devrait contribuer à la réflexion des chercheurs, puisqu'ils ont désormais à leur disposition des observations qui n'avaient encore jamais été notées. Cette publication pourrait même relancer sur certains points le débat sur la genèse des créoles.
Deux discours sur les langues
Jean Le Dû et Guylaine Brun-Trigaud présentent leur ouvrage dans les termes suivants :
- Comme pour toutes les langues vivantes, deux discours s’opposent : soit on insiste sur l’intercompréhension évidente en considérant qu’on a affaire à une seule et même langue, soit on accentue les inévitables différences pour parler de dialectes, voire de langues distinctes. La seule façon de se mettre d’accord était d’aller voir sur place ! Et c’est ce qui a motivé ce projet.
- Le questionnaire comprend 467 mots et phrases organisés en thèmes (météo, nature, vie sociale, etc.). Les enquêtes ont été effectuées par des étudiants de créole de l’université des Antilles et de la Guyane sur un ensemble d’îles des Petites Antilles : Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Guadeloupe, Marie-Galante, La Désirade, Les Saintes, La Dominique, La Martinique, Sainte-Lucie, Trinidad. Une enquête-témoin a été réalisée sur le continent américain à Oiapoque, paroisse créolophone du Brésil située à la frontière de la Guyane.
- Cet ouvrage, qui comportera deux volumes, s’adresse aussi bien aux spécialistes qu’à un large public qui, sans connaître forcément le terrain et sans être familier de la géolinguistique, pourra, grâce aux commentaires réalisés pour chaque carte, appréhender la richesse des données recueillies.
Le premier volume fait 350 pages, dans un format 33 x 24 cm. Il est publié sous une belle couverture couleur aux éditions du CTHS (Comité des Travaux Historiques et Scientifiques).
Pour en savoir plus sur l'Atlas linguistique des Petites Antilles :
- Le bulletin de souscription : atlas_cre_ole
- Le site internet du CTHS : http://cths.fr/ed/edition.php?id=5553
- Jean Le Dû, Yves Le Berre et Guylaine Brun-Trigaud ont également publié chez le même éditeur : Lectures de l'Atlas linguistique de la France de Gilliéron et Edmont : du temps dans l'espace.
- Le Nouvel Atlas linguistique de la Basse-Bretagne de Jean Le Dû a été publié par le Centre de Recherche Bretonne et Celtique à Brest.