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Le blog "langue-bretonne.org"
10 juillet 2021

Interview de Christian Troadec, le nouveau vice-président en charge des langues de Bretagne au Conseil régional

Région Chesnais-Girard et nouveaux vice-présidents-2

Depuis la rencontre médiatisée entre Paul Molac et le maire de Carhaix, on se doutait bien que Christian Troadec serait présent aux régionales sur la liste conduite par Loïg Chesnais-Girard, d’autant qu’il s’y trouvait en position éligible. Il s’y trouvait toujours après la fusion de la liste Cueff et celle du président sortant. Le maire de Carhaix a donc été élu conseiller régional. Ce n’est pas la première fois : il l’avait déjà été en 2004. 

Mais cette fois-ci, au lieu de se présenter sur une liste alternative ou celle de la plateforme Oui la Bretagne, qu’il a fondée, il a préféré intégrer dès avant le premier tour la liste menée par le président socialiste sortant du Conseil régional. Jusqu’à présent, Christian Troadec n’a pourtant jamais vraiment ménagé les majorités socialistes à la région ni au Conseil départemental du Finistère. Il n’y avait qu’à l’écouter chaque année lors de ses prises de parole lors de l’inauguration du Salon du livre de Carhaix. L’ancien vice-président régional à la culture, Jean-Michel Le Boulanger, doit en garder un amer souvenir.

Un non-bretonnant devient vice-président aux langues de Bretagne

Lors des dernières régionales, des personnalités bretonnantes comme Stéphanie Stoll, ancienne présidente de Diwan, candidataient sur d’autres listes. Après la victoire de L. Chesnais-Girard à l’issue du second tour, tout le monde se posait dès lors la question de savoir qui prendrait en charge le dossier des langues de Bretagne. Car mine de rien, c’est un dossier d’une réelle complexité, relativement lourd et hautement symbolique. Personne ne s’attendait vraiment à ce qu’il soit porté par Christian Troadec. J’ai donc souhaité faire le point avec le successeur de Jean-Pierre Thomin et de Lena Louarn au poste de vice-président des langues de Bretagne sur son approche et ses projets à l’occasion de l’interview qu’il a bien voulu m’accorder. J’ai commencé par lui demander si c’était quelque chose de prévu de longue date ou si ça s’est décidé au dernier moment ?

Christian Troadec : Ça s’est plutôt décidé au dernier moment, il y a eu des discussions préalables sur les vice-présidences comme dans tous les groupes lorsqu’il y a une alliance au sein d’une future majorité. Au final dans le cadre de la fusion entre la liste Chesnais-Girard sur laquelle je figurais dès le premier tour et celle de Daniel Cueff, ça s’est décidé mercredi jeudi de la semaine passée sur les vice-présidences, c’est au dernier moment qu’on me l’a proposée.

La différence que l’on perçoit immédiatement, c’est que vos prédécesseurs étaient bretonnants, alors que vous ne l’êtes pas…

Pas encore, j’ai pris des cours à Roudour il y a quelque temps, pas suffisant, donc je reprends mes cours début septembre, pour être au moins, dans une conversation, en capacité de développer avec d’autres personnes. Je fais partie d’une génération comme tant d’autres où, au niveau familial, on a vu une interruption de la langue pendant une période, c’est la période qui le voulait, on ne peut pas le reprocher à nos parents, autrement ç’aurait été ma langue maternelle. Mes parents étaient bretonnants tous les deux, c’était la langue familiale. On fait partie de cette génération, c’était la langue secrète que les parents parlaient entre eux, nous on nous apprenait le français. 

Bien sûr, j’ai des notions de breton, pas suffisantes pour m’exprimer correctement. Par contre, la chance que j’ai eue, s’il y a eu interruption de la transmission de la langue à ma génération, j’ai essayé de la contrer avec mon épouse pour que nos trois enfants soient scolarisés en langue bretonne, ils ont suivi l’immersion à travers le réseau Diwan.

Troadec Carhaix 2019-10-26-1

Promouvoir les langues de Bretagne : compter sur toutes les sensibilités de l’hémicycle

Comment allez-vous fonctionner ? Lena Louarn était en même temps vice-présidente en charge des langues de Bretagne au Conseil régional et présidente de l’Office public de la langue bretonne. Vous le serez aussi ?

C’est en cours de discussion, dans le groupe de la majorité, on a la chance de compter des gens de grande qualité, dont Paul Molac. On est en train de voir avec lui et d’autres qui ont la même spécificité et le temps nécessaire pour assurer une fonction aussi importante que la présidence de l’Office. Ce n’est pas encore décidé.

Est-ce que vous allez vous situer dans une politique de continuité, de rupture ou d’innovation ?

D’abord je reconnais très fortement le travail effectué par Lena Louarn, qui est une amie et une militante pour la langue bretonne, elle a fait un très beau travail, on est nombreux à le souligner… On sait aussi qu’on est dans une période charnière, on sait que notre mandat va durer sept ans : si dans les sept ans à venir on ne change pas de braquet, on sait qu’on sera à la croisée des chemins pour la langue bretonne. À partir de maintenant, avec la majorité régionale et d’autres, on compte sur toutes les sensibilités de l’hémicycle pour promouvoir les langues de Bretagne et en particulier le breton. Donc, changer de braquet et aller un peu plus loin pour le maintien et le développement de la langue.

Les autres groupes sont-ils prêts à vous suivre sur ce dossier ?

Moi je vais me baser sur les questions qui sont essentielles pour la Bretagne. Je pense qu’il y a moyen de trouver un consensus entre les différents groupes qui composent l’hémicycle pour travailler ensemble. On sait qu’il y a des régionalistes ou pour l’autonomie dans l’assemblée, ou tout simplement des gens qui ne sont pas sur la question politique de l’avenir de la Bretagne et qui pour la langue sont favorables à son maintien, faire confiance à tous les élus. Je suis dans l’idée de travailler avec tout le monde.

Votre budget langues de Bretagne va-t-il doubler, tripler ou quadrupler comme certains l’ont demandé ?

Bien sûr il y a la question du financement, mais il n’y a pas que celle-là. On sait aussi que Daniel Cueff a discuté pour le second tour avec Loïg Chesnais-Girard et d’autres comme Yvon Ollivier qui était son porte-parole pour les langues de Bretagne d’un plan Marshal pour la langue bretonne. Il y a des éléments que la majorité est en train de prendre en compte qui ont été discutés entre les deux tours. Il y a aussi plus largement la responsabilité qu’on a vis-à-vis de cette langue à travers le financement et le budget. Il y a une prise de conscience indispensable aujourd’hui. L’argent et le financement sont des questions essentielles parfois, mais pas aujourd’hui la réponse à l’ensemble des solutions nécessaires pour la langue.

Est-ce à dire que le budget ne bougera pas ou que c’est à l’étude ?

On a été élus il y a à peine une semaine. Il y a encore des décisions à prendre, particulièrement à partir de septembre 2021. On va travailler pour l’élaboration du budget 2022, on fera en sorte qu’il y ait des moyens supplémentaires, financiers sans aucun doute, mais pas que financiers, pour assurer son maintien et son développement.

Le contrat État-région en panne va-t-il être relancé ? Quelle va être la priorité de la rentrée ?

Ça va être le gros chantier et le gros dossier de la rentrée, on n’a pas d’interlocuteurs pendant la période estivale pour en discuter, il va falloir trouver des solutions en faveur de la langue bretonne et que des moyens nous soient donnés.

Troadec Carhaix 2016-10-29-1

J’ai lu récemment dans la revue en langue bretonne Al Lanv des propos selon lesquels "les ennemis de notre langue sont les partis français à la tête de la Région et au pouvoir à Paris. Un plan Marshall revient à demander de l’aide à ceux qui sont en réalité hostiles aux langues minoritaires. Qui peut croire que Paris ou les politiciens bretons qui vivent sous son autorité soient prêts à faire un effort quand leur ADN est de refuser des droits aux autres langues de l’hexagone ? Demander un plan Marshall revient à demander une aumône une fois de plus alors que nous devons obtenir un remède de cheval qui coûtera énormément si nous voulons sauver la langue bretonne" (traduit par mes soins). Qu’en dites-vous ?

Nous ne sommes pas en situation comme beaucoup d’autres régions qui ont une autonomie beaucoup plus forte que la Bretagne, je pense à la Catalogne ou au Pays basque qui ont une autonomie beaucoup plus fort que la Bretagne. Ici le rapport de force passe inévitablement par une discussion avec l’État français. On ne peut pas se tromper de combat ni de volonté d’aboutir. On fait un schéma tel qu’il est vécu aujourd’hui en Bretagne et inéluctablement on doit aussi en discuter avec l’État français.

L’auteur de la citation précédente ajoutait que ce plan Marshall serait "une impasse, ce sera le prix de la paix, en réalité des miettes tant qu’il n’y aura pas une vraie politique linguistique s’appuyant sur un plan précis". Ces propos sont de quelqu’un très bien connu à Carhaix et qui se nomme… Charlie Grall.

(Rire). Ces propos lui appartiennent, on connaît le militantisme, nos discussions seront un outil avec toutes les personnes et les militants qui nous ont montré le chemin.

Dernière question qu’en est-il du statut des langues régionales après la censure de la loi Molac par le Conseil constitutionnel ?

Ces questions-là ne sont pas un danger, elles ne sont pas tabou, qu’on doit se refuser, ce qu’il faut avoir pour la langue c’est un statut officiel. Dans ces temps troubles de pandémie et d’évoiution des institutions, on ne sait pas dans quelle République on sera dans six ans ou dans sept ans. J’espère, en tout cas je suis de ceux qui militent pour une VIe République dans laquelle les régions auront toute leur place. J’espère en tout cas très rapidement un statut officiel pour les langues régionales, en particulier pour le breton.

  • Propos recueillis le 8 juillet.
  • Mise à jour : 10 juillet 2021.
  • Photo tête de message : Loïg Chesnais-Girard et plusieurs vice-présidents, dont Christian Troadec en arrière-plan, à droite, à la sortie du Conseil régional de Bretagne (DR).
  • Autres photos : Christian Troadec lors d'inaugurations du Salon du livre de Carhaix, en 2019 et 2016.
Commentaires
F
Il convient de dénoncer fermement l'arnaque que constitue la prétendue "langue gallèse", pour paraphraser la terminologie militante.<br /> <br /> <br /> <br /> Ex: Porta dèz qhulturr de Bertègn, soit, un bon "gallo" unifié (encore dit « langue française ») : porte des cultures de Breta(i)gne. <br /> <br /> <br /> <br /> On devrait plutôt parler de "parlers gallos", ou plus exactement et au vu du niveau très fluctuant des locuteurs en 2021, de français parsemé de mots de patois (dit, par les militants eux-même, "gallo allégé"), ce qui leur permet d'atteindre sans trop de difficulté la barre des 200 000 locuteurs revendiqués, comme c'est facile à ce compte. Car qui parle encore un vrai patois en Haute Bretagne, de nos jours, mis à part quelques militants ou (très) vieilles personnes?<br /> <br /> <br /> <br /> Sans vouloir nier l'intérêt du phénomène patoisant en Haute Bretagne, on ne peut pas mettre ces parlers sur un pied d'égalité avec la langue bretonne, unifiée ou pas, et sa littérature, tant il semble évident évident que la mise en épingle de ces patois se fait avec la complaisance des plus acharnés adversaires du brezhoneg.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est par conséquent rassurant que cela semble être pris en compte par nos institutions régionales, que ce soit MM Troadec et Thomin en son temps, en passant par Mme Louarn. N'eus ket tizhet pentañ lern dezho, ha gwell a se !<br /> <br /> <br /> <br /> Même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde, merci par avance de publier mon avis, reflet de l'opinion de nombreux militants bretons. Kenavo - A tatot
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F
En même temps, lorsqu'on voit les "traductions" gallo sur les affiches jusqu'en Basse-Bretagne : du français, avec une "ortograf" la plus différente possible histoire de faire "couleur locale". Le gallo ? "Tu lui dira l'bonjou d'ma par." comme ils écrivent.
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J
Cher Fañch, je trouve "intéressant" (= hélas, significatif) que, dans cet interview du vice président en charge deS langueS de Bretagne,. le mot "gallo" n'apparaît pas une seule fois... (ou ai-je mal lu ?)<br /> <br /> JP. Angoujard
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Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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