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Le blog "langue-bretonne.org"
1 mai 2011

Une rétrospective Simone Le Moigne à Nantes

Le_moigne_simone_DOSSIER__DE_PRESSE__2_Simone Le Moigne était une femme extraordinaire. Dans le domaine de la peinture naïve, elle est une vraie référence. Elle ne s'est pourtant mise à peindre qu'à bien plus de 50 ans, après avoir trouvé par hasard des tubes de peinture dans une poubelle chez son employeur, à Paris. Elle n'avait pas de pinceaux : elle peint le soir, après sa journée de travail, à l'aide d'aiguilles à tricoter, d'épingles à cheveux, de ses doigts. 1 500 tableaux plus tard, elle est devenue un nom.
Simone Le Moigne était originaire du quartier de Magoar en Glomel, où elle est née il y a très exactement cent ans, en juin 1911. Elle n'a évidemment pas été scolarisée au-delà du certificat d'études : aux lendemains de la première guerre mondiale, il fallait de la main-d'œuvre chez ses parents pour participer aux travaux de la ferme. Elle épouse un sabotier qui part l'été faire la saison en Beauce. Elle-même suit sont mari quelque temps en région parisienne avant de revenir tenir commerce à Trégornan. Après la guerre, elle est confrontée à la précarité, à la violence conjugale et à de multiples allers-retours entre la Bretagne et Paris. Elle finit par divorcer, continue de travailler comme employée de maison dans la capitale, vivant dans une chambre de bonne du septième étage. À partir du moment où elle prend sa retraite en 1971, elle consacre tout son temps à ce qui est devenu sa passion : la peinture.
J'ai entendu parler de Simone Le Moigne par Jean Mingam, un peintre et sculpteur breton originaire de Ploudiry et installé à Le_Moigne_simone_006_webNantes, chez qui nous avions déjà eu l'occasion de faire un reportage pour le journal "An taol-lagad" sur FR3 en 1983. Comme elle était désormais installée à Saint-Herblain, une exposition lui est consacrée à l'Hôtel de Ville en 1987 : c'est l'occasion de la filmer chez elle et de présenter ses tableaux à la télé, toujours dans "An taol-lagad". D'autres reportages en langue bretonne seront diffusés en 1992, puis en 1999, et surtout un documentaire de Sylvain Kernoa et Hervé Morzadec d'une durée de 19' en 1993, rediffusé l'année de son décès en 2001.
Car Simone Le Moigne était bretonnante et le breton était sa langue première. Dans la biographie qu'elle lui a consacrée, sa fille, Anne Vinesse, présente Trégornan en 1940 (où sa mère vient de s'installer) comme "une bourgade très vivante avec beaucoup d'enfants", indiquant qu'on y parle le français, mais surtout le breton. Il y a dans le bourg une vedette qui "naturellement s'exprime en breton", qu'on surnomme "Radio Tregorn" en raison de son talent pour collecter et propager les nouvelles et dont les enfants ont aussi le breton pour langue maternelle. À ce moment-là, Trégornan est à l'image de ce qui va se passer un peu partout en Basse-Bretagne du point de vue sociolinguistique : ces enfants "contribuent beaucoup à l'apprentissage de cette langue par [ceux] auxquels les parents ne s'adressent qu'en français à la maison. Ces derniers pensent ainsi leur éviter les problèmes qu'ils ont eux-mêmes connus en rentrant à l'école. Il n'en demeure pas moins que ces enfants doivent apprendre par cœur leur catéchisme en breton !"
Le_moigne_simone_DOSSIER__DE_PRESSE__2__9Dans ses peintures, Simone Le Moigne n'a jamais rien laissé transparaître de son vécu à l'âge adulte, aussi rude qu'il ait été. Ce que disent ses tableaux, c'est l'histoire d'une enfance sereine, d'un monde d'avant la modernisation fracassante. Elle peint les vergers en fleur, la maisonnée autour du chaudron à bouillie, l'accueil des pauvres à la ferme… Les temps que décrit Pierre-Jakez Hélias en 600 pages dans Le Cheval d'orgueil, elle les décline paisiblement d'un tableau à l'autre. Elle témoigne de ses convictions religieuses en peignant des processions ou la multiplication des pains. Elle adopte quelquefois les grands formats et s'exprime alors sous forme de fresque, comme dans cette histoire du pain que lui avait commandée la ville de Saint-Herblain en 1983 et qu'elle raconte en six tableaux depuis les semailles jusqu'au four à pain.
La critique d'art Sophie Mabillon explique qu'en "regardant les toiles de Simone Le Moigne, on peut suivre la trace de sa main. Il y a des épaisseurs, des reliefs, de la matière, plusieurs couches de peinture. Son œuvre doit naître le plus directement possible par le minimum d'instrument, d'intermédiaire entre ses souvenirs et l'exécution. Elle explique que tout est déjà dans sa tête et qu'elle ne fait que le déposer, le présenter de nouveau - le re-présenter. Elle sait, sans plan, sans dessin préalable, où chaque chemin, chaque arbre, chaque personnage trouve sa juste place."
En art, Simone Le Moigne a réellement été une autodidacte, et c'est ce qui fait la magie de ses créations. Mais il y a aussi, selon S. Mabillon, une modernité de l'artiste. Jean-Pierre Nuaud, le commissaire de l'exposition qui se tient à Nantes en ce moment soutient qu'elle a su créer "une œuvre forte, riche d'inventions, pertinente, sans tabous et, péché ultime, accessible et compréhensible par le plus grand nombre." Jean-Marc Ayrault, le député-maire de Nantes, l'a connue à Saint-Herblain : elle restitue, dit-il, "des sensations inexplicables, des atmosphères, des parfums, tout un monde de rêve."
Le_Moigne_simone_004_webSimone Le Moigne aurait été la première étonnée de voir une rétrospective de ses œuvres au Musée des Beaux-Arts de Nantes. La peinture naïve aussi sait donner à voir la sincérité d’une œuvre.

Exposition jusqu'au 8 mai 2011, à la chapelle de l'Oratoire du Musée des Beaux-Arts de Nantes.

Pour en savoir plus :

  • Le catalogue de l'exposition : Hommage à Simone Le Moigne est paru en 64 pages, avec la reproduction de 80 peintures couleurs, aux éditions Siloë.
  • Anne Vinesse a publié une biographie de sa mère sous le titre : Simone Le Moigne, peindre et revivre, également aux éditions Siloë.

La photo de S. Le Moigne peignant est extraite de ce livre. Photo des tableaux reproduits : Xavier Liébard, © A.D.A.G.P.-Paris 2011 (avec l'aimable autorisation d'Anne Vinesse).

Commentaires
D
Bravo et très sincères félicitations pour votre remarquable synthèse à la fois de la personnalité et de l'oeuvre de Simone LE MOIGNE...!<br /> Et encore merci pour elle!
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F
Un grand merci pour votre message et pour le beau texte que vous avez écrit sur votre blog. L'exposition se passe bien et les visiteurs sont nombreux. 300 personnes assistaient au vernissage inauguré par Jean-Marc Ayrault.  Depuis, une moyenne d'une centaine de personnes visite l'exposition. Les œuvres de Simone Le Moigne sont magnifiquement mises en valeur dans ce lieu superbe. <br /> Anne Vinesse.
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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