Une thèse sur la revue en langue bretonne Al Liamm
Jacques-Yves Mouton, lui-même connu comme auteur de langue bretonne, a soutenu sa thèse de doctorat, ce jeudi 25 juin, devant l’Université de Bretagne Occidentale à Brest. La thèse a été rédigée sous la direction de Yves Le Berre, Professeur émérite de celtique à l’UBO. L’intitulé en est le suivant : “Al Liamm, (1945-1980). Contribution à la construction identitaire des néo-bretonnants d’Après-Guerre”. Al Liamm est aujourd’hui la plus ancienne des revues en langue bretonne. C’est la première fois qu’elle fait l’objet d’une thèse. J.Y. Mouton a bien voulu me transmettre le résumé de son travail, ce dont je le remercie.
Le numéro 14 de la revue "La Bretagne Linguistique", qui vient de paraître, contient un article de J.Y. Mouton : Le mythe de Tir-Na-N-og chez les premiers Liammistes.
Résumé de la thèse.
Au printemps 1946 paraissait le premier numéro d'Al Liamm qui signifie le lien en breton. Ce titre a une valeur hautement symbolique. En effet, cette revue s'était assignée pour but de reprendre le travail culturel entrepris par deux autres revues, Gwalarn et SAV, disparues dans la tourmente de la guerre : faire du breton l'expression nationale d'un peuple à travers une langue standard et une orthographe unifiée.
En un premier temps donc, les jeunes animateurs de la revue battent le rappel des anciens qui ont écrit dans ces revues. Héritière d'un long cheminement commençant à la fin du dix-neuvième siècle avec l'œuvre des bretonnistes tels La Villemarqué ou Le Gonidec et se poursuivant avant la seconde guerre mondiale avec le mouvement Gwalarn dirigé par Roparz Hemon, les jeunes protagonistes animés d'une ferveur nationaliste sont en quête de nouvelles valeurs pour construire leur propre identité.
Les pays celtes leur offrent une exemplarité mais aussi les interpellent quant aux erreurs qu'ils ne doivent pas commettre. D'autres pays sont source d'exemple à suivre, tel Israël qui a fait de l'hébreu langue d'Etat, lui qui était confiné dans les livres sacrés; l'esprit de ses pionniers enthousiastes qui retournent à la terre au sein des kibboutzim organisés de façon socialiste est sujet d'admiration.
Al Liamm devient un bastion de résistance dans le contexte de l'après-guerre. La collaboration avec l'occupant de certains de leurs aînés a rendu suspect toute idée de relance culturelle dans une optique nationaliste alors qu'Al Liamm revendique le fait d'appartenir à une nation bretonne. Depuis les années cinquante, la société rurale bretonne subit de profondes mutations et la langue bretonne est en déclin, le français étant synonyme de modernisation; les jeunes liammistes sont à contre-courant de cette évolution.
Al Liamm forge une littérature moderne en ouvrant ses fenêtres aux autres cultures mondiales dans le but de donner à ce peuple un outil culturel alors que la masse des Bretons l'acquiert dans les écoles françaises. Plus qu'une revue culturelle, Al Liamm devient l'expression d'une micro-société bretonnante dans une perspective d'expansion au sein d'un monde breton en voie de francisation.
Le fondement nationaliste de la revue se trouve ébranlé avec les idées portées par Mai 1968. Dans les années soixante-dix, les jeunes gravitant autour d'Al Liamm sont empreints de gauchisme, ce que désapprouvent certains de leurs aînés. Al Liamm leur donne la liberté de s'exprimer et par la même regagne en vigueur. Cette faculté d'adaptation explique la longévité de cette revue.
Contact auteur : jacques-yves.mouton@wanadoo.fr