Le décès de Robert Lafont
Robert Lafont est décédé le 24 juin à Florence, où il résidait. Il a été une grande figure de la cause de l’occitan. Dès les années d’après-guerre, il a milité pour l’enseignement de l’occitan. Photo de Robert Laffont à l'Université Occitane d'Été de 1986 ©André Abbe - Passadoc.
Dans cette action, il s’est trouvé en phase avec Armand Keravel en Bretagne. Tous deux voulaient se démarquer des compromissions de la période de la collaboration et promouvoir l’enseignement des langues régionales sur de nouvelles bases. Quand Armand Keravel relançait le mouvement Ar Falz, Robert Lafont s’impliquait dans la création de l’Institut d’Etudes Occitanes (IEO). En 1958, ils créaient ensemble le Mouvement Laïque des Cultures Régionales (le MLCR), qui a ensuite organisé chaque année des rencontres et des stages à Marly-le-Roy. Du coup, Robert Lafont a beaucoup fréquenté la Bretagne dans les années 1960-70.
Pendant des années, lui et Armand Keravel ont harcelé le Ministère de l’Education Nationale, sans toujours être payés en retour, pour faire mieux reconnaître l’intérêt d’un enseignement des langues régionales et pour qu’elles trouvent leur place à l’école publique. Ils ont également inscrit leur action à gauche et réussi à convaincre des députés et sénateurs de gauche (mais aussi de droite) de présenter des projets de loi en faveur des langues régionales. C’est grâce à leur action que l’enseignement du breton, de l’occitan et des autres langues de France a commencé à prendre pied dans l’enseignement.
Robert Lafont voyait cependant plus large et défendait plus généralement la cause de l’occitanisme. Il participe aux mouvements populaires occitans. Quelques mois avant mai 68, il publie un premier essai, “La révolution régionaliste”, qui marquera beaucoup les esprits. Dans cet ouvrage et dans plusieurs autres, il se positionne contre ce qu’il qualifie de “colonialisme intérieur” et en appelle à une réorganisation de la France.
Il est également reconnu comme écrivain de langue occitane : il a publié plusieurs dizaines de romans, de recueils de poésie et de pièces de théâtre, en rupture avec la tradition littéraire antérieur en langue d’oc.
Professeur à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, il est l’un de ceux qui ont marqué la sociolinguistique occitane dès ses débuts. En 1997, il était venu à Brest, à l’invitation de Jean Le Dû et Yves Le Berre, participer au colloque “Y a-t-il une exception linguistique française ?”. Il y avait présenté une communication sur le thème “Langues en contact / langues en conflit ; trente ans de sociolinguistique périphérique : cinq concepts revisités” (publiée dans le volume 12 de “La Bretagne Linguistique”).
Son dernier livre, “L’Etat et la langue” est paru en 2008 aux éditions Sulliver. Il s’agit d’un brillant essai au carrefour de l’histoire, de la littérature et de la linguistique. Ce livre est d’une certaine manière une synthèse des recherches qu’il a menées dans ses domaines de prédilection : l’histoire de la littérature et la sociolinguistique.
Merci à Marie-Jeanne Verny et à la FELCO (Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’oc) de nous avoir fait part de cette information.
Je joins également à ce message deux textes (qu'elle m'a également transmis) d'hommage :
- l'un de Yan Lespoux sur Robert Lafont, “lo grand davancièr”, précurseur de l’enseignement public de l’occitan : Lafont_par_Y
- l'autre de Philippe Martel, qui décrypte tous les chemins empruntés et les divers itinéraires suivis par Robert Lafont, que ce soit dans le domaine de la littérature ou dans celui de la recherche : Lafont_par_P