Aventures et mésaventures des langues de France
Henriette Walter est une linguiste et une sociolinguiste bien connue. Elle a enseigné à l'Université de Haute-Bretagne à Rennes pendant plusieurs années. Elle publie des travaux pointus dans les revues spécialisées et des ouvrages à succès pour le "grand public" chez divers éditeurs.
Son dernier livre a pour objet les aventures et mésaventures des langues de France. Elle parcourt la France région par région et consacre tout à tour quelques pages au basque et au breton, au corse et à l'alsacien, aux langues d'oïl et aux créoles, qu'elle présente comme "l'image d'une diversité linguistique sous-jacente dans ce pays", mais aussi comme "des langues en sursis" face au français ou encore comme des langues qui "survivent en filigrane". H. Walter fait observer à juste titre qu'il fut un temps - pas si lointain après tout puisqu'il s'agit du début du XXe siècle - où le français n'était pas uniformément répandu dans le pays.
La page 64 présente utilement une définition des différents termes utilisés pour désigner les langues. L'auteure prend soin de préciser que pour le linguiste le patois est une langue comme une autre. Mais ni les linguistes ni les défenseurs des langues régionales n'apprécieront peut-être pas qu'elle utilise elle-même comme tout le monde des mots comme "patois" ou "dialectophones" (qui ne conviennent pas pour le breton, de toute façon). Par ailleurs, la présentation du contexte historique et sociolinguistique apparaîtra sans doute un peu succincte. Le livre est rédigé sous la forme de flashes assez courts et de rubriques de quelques lignes ou de quelques paragraphes.
Tout le chapitre 2 est consacré au breton : ses origines, la toponymie, la langue parlée et la langue écrite, les écoles Diwan… La "situation inconfortable du gallo", que H. Walter connaît bien, est décrite sur une vingtaine de pages : il est en quelque sorte coincé entre ces "deux voisins encombrants" que sont le breton et le français.
Parmi les autres langues d'oïl, sont évoqués le normand et le picard, mais aussi le patois des Mauges, quasiment disparu en Maine-et-Loire, mais dont les habitants parlent le français en utilisant une voyelle de plus que la moyenne des Français. Quant aux occitanistes, ils n'y trouveront sûrement pas leur compte : H. Walter préfère parler des langues d'oc et ne fait état qu'une seule fois de l'occitan.
L'ouvrage a manqué par endroits d'une relecture attentive : les pages 69 et 73, par exemple, se répètent. Mais le nouveau livre d'Henriette Walter, agrémenté d'un certain nombre de "récréations" et de devinettes, sera d'une approche aisée pour le non-spécialiste. L'auteure n'élude pas la question de l'avenir des langues régionales : elle crédite le corse et les créoles d'une vitalité remarquable, mais parle pour les autres d'un "trésor en péril". Elle fait état d'une situation préoccupante, mais "la preuve est aujourd'hui faite, écrit-elle, que le bilinguisme précoce est une chance pour l'enfant". Elle est convaincue que l'apprentissage de la langue parlée dans la famille depuis des générations peut être ultérieurement un point d'appui pour l'acquisition d'une langue de grande diffusion.
Henriette Walter. Aventures et mésenvatures des langues de France. Editions du temps, 287 p.