Les langues du Mexique
Du 13 au 18 mars, le Mexique est à l'honneur au Salon du Livre de Paris. Du coup, "Le Monde des Livres" consacre un dossier de 12 pages à la littérature de ce pays, dans son édition du 13 mars. A la une : "La magie de la mémoire", un très beau texte de J.M.G. Le Clézio aussi enthousiaste pour la littérature de ce pays que lucide sur les questions de société.
Deux articles intéressants traitent de la question de la langue.
Le premier, de Pierre Assouline, raconte comment les écrivains mexicains veulent "divorcer du castillan", et ce ne sont pas les seuls en Amérique latine. Jusqu'à tout récemment, les auteurs étrangers étaient traduits en "espagnol d'Espagne", considéré par un critique comme n'étant que… "le dialecte madrilène" ! Les éditeurs et les écrivains n'en veulent plus, et c'est grâce à l'euro qu'ils commencent à s'en émanciper : tout simplement, parce qu'il est "plus facile d'importer des droits que des produits finis". Du coup, les mexicanismes, les américanolatinismes et même les aztéquismes ont fait leur apparition dans les livres publiés ou traduits au Mexique. On va jusqu'à parler de "reconquête". Un compte-rendu, par Fabienne Dumontet, d'un thriller de Daniel Sada insiste sur la langue dans laquelle il est rédigé : "sa langue. Ou plutôt ses dialectes, ceux des régions du Nord", d'une grande inventivité.
Un autre article de Florence Noiville et Joëlle Stolz s'intéresse au "nouvel élan des langues indiennes". Nous parlons apparemment le nahuatl sans le savoir : des mots aussi courants que "chocolat", "tomate" ou "avocat" lui ont été empruntés. Un million et demi de locuteurs parlent cette langue dans l'est du Mexique et en tout ce sont 68 langues indiennes que parlent 4 millions de Mexicains. Des centaines de radios contribuent à leur vitalité, même si plusieurs sont menacées de disparition.
De nombreux locuteurs sont analphabètes. Mais une première génération d'écrivains avait émergé dans les années 1960. Une nouvelle génération publie aujourd'hui dans ces langues. Une association des écrivains de langue indigène a été créée. Vient ainsi de paraître le premier roman écrit en purépécha, une langue pourtant transcrite par les missionnaires franciscains dès le XVIe siècle.
Pour en savoir plus : les bretonnants peuvent également lire un article de Francis Favereau : "Bed nevez ha yezou koz" (= Nouveau monde et langues anciennes), dans le numéro 255 de la revue "Brud Nevez".