La loi Molac sur les langues régionales : conforme ou pas conforme ?
C'est ce mercredi que le Conseil constitutionnel devrait rendre son délibéré sur la conformité des douze articles de la loi Molac avec la Constitution de la République française.
Elle a été votée conforme une première fois le 8 avril par l'Assemblée nationale, par rapport au texte adopté précédemment par le Sénat. Mais tout au long de la discussion en deuxième lecture à l'Assemblée, le ministre Jean-Michel Blanquer n'a pas cessé de de faire remarquer que telle ou telle formulation pouvait ne pas être conforme à la Constitution. Rien n'y a fait : une large majorité de l'Assemblée, y compris au sein du groupe LREM, a adopté la proposition de loi dans les mêmes termes que le Sénat. À chaque vote, le ministre a été mis en échec.
Qu'a donc fait l'honorable Mister Blanquer pour éviter que la loi soit promulguée en l'état ? Via son cabinet, il a téléguidé en sous-main un recours de la minorité du groupe LREM devant le Conseil constitutionnel. Le procédé n'est pas courant, mais ça se fait apparemment, ce qui a semé la zizanie au sein même de la majorité. Tout ça, sous prétexte de renforcer la loi au regard de la Constitution. C'est curieux, mais c'est à peu près le même argument qu'avait utilisé le président Jacques Chirac quand il s'était agi de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. On sait ce qu'il en est advenu.
Une décision attendue, car lourde de conséquences
Que va faire le Conseil constitutionnel ? Il n'y a que deux possibilités. Ou il censure tout ou partie de la loi Molac. Ou il la valide. Les points de vue en la matière sont contradictoires.
Dans une vidéo postée sur Youtube, Jean-Jacques Urvoas, ancien Garde des sceaux, fait référence aux décisions antérieures du Conseil constitutionnel, notamment une datant de 1991 : "s'il y avait une contrainte [dans la loi Molac], ce ne serait pas conforme. Quand c'est une possibilité, c'est évidemment parfaitement compatible". Le Conseil constitutionnel a par ailleurs déjà statué, souligne l'ancien ministre, sur le fait que "l'enseignement par immersion n'est pas incompatible avec les valeurs de la République, si ça n'a pas pour conséquence de soustraire les élèves de l'enseignement aux obligations du service public. Et c'est, affirme-t-il, un argument qui ne vaut pas pour la proposition de loi de Paul Molac."
À l'inverse, un illustre inconnu, mais un personnage important du nom de Jean-Éric Schoettl, qui a été de 1997 à 2007 le secrétaire général du Conseil constitutionnel, interviewé par Michel Feltin-Palas pour le site en ligne de L'Express, revient sur un article de la loi Molac imposant à la commune de résidence de l'enfant de verser le forfait scolaire à celle qu'il fréquenterait pour bénficier de l'enseignement de la langue régionale. Ce serait une première, explique-t-il en substance, et "cela s'oppose au principe de libre administration des collectivités territoriales". Quant à l'enseignementpar immersion d'une langue régionale dans l'enseignement public, il ne faut pas y penser : "j'ai beaucoup de tendresse pour les langues régionales, déclare M. Schoetl, mais je ne leur sacrifierai pas la liberté, l'égalité et l'indivisibilité de la République." De toute façon, ajoute-t-il, "les langues régionales s'éteignent naturellement. Il ne servirait à rien de faire de l'acharnement artificiel".
Michel Feltin-Palas a raison d'observer que le droit constitutionnel n'a rien à voir avec une science exacte. Mais on devrait connaître sans tarder désormais la décison très attendue qu'auront prise les membres actuels du Conseil constitutionel. Quelle qu'elle soit, elle ne sera pas sans conséquences.