La Poste veut-elle effacer le breton ?
Et si ce qui s'est passé ces dernières semaines à Plouguerneau était prémonitoire ? On a beaucoup parlé, dans la presse et sur internet, du projet de la municipalité d'attribuer de nouveaux noms aux hameaux et quartiers de la commune, qui auraient eu pour effet de remplacer la toponymie bretonne existante par de nouvelles dénominations à connotation plus française. Cette initiative a provoqué de vives réactions, et ce n'est pas seulement en pays pagan.
Dans le Télégramme de ce 17 janvier, le directeur du courrier pour l'Ouest Bretagne, Yves Amiard, reconnaît que c'est bien La Poste qui incite les communes à le faire. Il faut apparemment donner des noms de rues et des numéros d'habitation aux villages qui n'en ont pas et, dit Monsieur Amiard, La Poste "recommande de choisir le français plutôt que le breton pour les dénominations".
Pourquoi donc ? Parce que les nouvelles machines qui vont trier le courrier et organiser la tournée des facteurs réclame de la lisibilité et de la précision. Et ces nouvelles machines, paraît-il, n'aiment ni les noms de hameaux ni l'orthographe des noms de lieux exprimés en breton. Surtout, ce que ces nouvelles machines ne sauraient pas faire, c'est reconnaître les apostrophes : "les apostrophes perturbent la lecture optique".
D'abord, il n'y a pas que des apostrophes en breton. Ensuite, il est assez incroyable que le progrès ne puisse pas s'adapter au vécu de toute une population : on ne peut pas inventer une machine qui sache lire aussi les apostrophes ? Les GPS s'en sortent bien, non ? Mais ce dont M. Amiard et La Poste n'ont pas l'air de se rendre compte, c'est que tout le paysage toponymique de la région va se transformer si toutes les communes se mettent à suivre leurs recommandations ! Je suis plutôt pour le progrès, mais là, ce sont 2000 ans d'histoire qui vont être gommés. Il faudrait désormais faire comme si on n'avait jamais parlé breton en Bretagne et comme si on ne le parlait plus ?
M. Amiard s'en sort par une pirouette : ce n'est pas la langue bretonne qui le gêne, a-t-il déclaré au Télégramme, mais les apostrophes. Mais pourquoi demande-t-il alors de remplacer les toponymes bretons par des noms en français ? Ceux dont le nom de famille comporte également une apostrophe vont-ils aussi devoir changer de patronyme, pour être sûr de recevoir leur courrier ?
En voulant éviter les protestations de clients qui recevraient mal leur courrier, La Poste risque fort de soulever celles des élus, de la Région, des départements, des communes, des militants culturels, d'un peu tout le monde. Plouguerneau pourrait n'avoir été qu'un avant-goût… En recommandant aux communes "de choisir le français plutôt que le breton", La Poste fait très fort, comme si elle voulait par une simple circulaire effacer la langue bretonne du paysage régional. Ce n'est pas admissible. Même les touristes risquent de ne plus s'y retrouver !