Connaissez-vous le film « Yezh ar vezh », la langue de la honte ?
Ce n’est pas certain, car il date de 1979. Je ne me souviens pas de l’avoir vu moi-même à l’époque. Je l’ai réellement découvert lors d’un projection en février 2016 au cinéma Les Studios, à Brest, à l’initiative de la Cinémathèque de Bretagne. L’année suivante elle m’a sollicité pour un débat lors d’une autre projection à Guilers. Et voilà que le TNB de Rennes, toujours en lien avec la Cinémathèque, me contacte à son tour une présentation du film dans le cadre de son Printemps breton.
L’histoire singulière d’un film
« Yezh ar vezh » est un film daté, forcément, d’autant plus que le tournage s’est déroulé avec de petits moyens, dans un premier temps en 1974, puis, après une pause de trois ans, en 1977 pour quelques compléments. Son histoire est singulière, parce qu’il n’a pas été tourné sur la base d’un synopsis, mais au feeling en quelque sorte, en fonction de l’actualité. Le film apparaît effectivement comme une juxtaposition de séquences collectées selon les opportuniés qui se présentaient. C’est aussi ce qui fait son intérêt.
Le réalisateur, Philippe Durand (1932-2007), est un critique de cinéma et l’auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma et sur la Bretagne. Sa production cinématographique est conséquente, puisqu’il a à son actif une cinquantaine de films en 16 et en 35mm. Son premier film sur la guerre d’Algérie avait été censuré.
Un film assurément militant
"Yezh ar vezh", c’est donc la langue de la honte. Contrairement à ce que laisse entrevoir le titre, c’est en film en français, avec cependant des passages en breton, sous-titrés en français. La langue bretonne, son histoire récente et les interrogations sur son avenir occupent une place centrale dans le film.
C’est un film personnel et un film militant assurément, de et par Phlippe Durand, un témoignage en images et en sons sur le bouillonnement et les interrogations de ces années-là. 1970 en Bretagne. Un voyage au fil de ces années d’après mai 68 qui voient l'émergence de nouvelles formes d'expression d'un combat breton en rupture avec celui des décennies précédentes.
On y croise
- la toute jeune harpiste Kristen Noguès,
- un Youenn Gwernig ironique,
- le poète Yvon Le Men à vingt ans déclamant ses poèmes le long d’une rivière,
- l’universitaire Fañch Morvannou vindicatif,
- mais aussi René L’Hostis, un des futurs fondateurs des écoles Diwan.
On évoque les conflits sociaux de la décennie, les attentats du FLB, les débats d’idée de l’époque. Un chanteur traditionnel vannetais expose les raisons pour lesquelles il avait préféré élever ses enfants en français et non pas en breton. Les années 1970 sont également celles d’initiatives et de réalisations originales en vue de sa réappropriation et sur les modalités selon lesquelles elle pourrait réellement se faire.
- Voilà de quoi nourrir aussi une discussion à l’issue de la projection.
- Projection : mardi 23 mai à 19h00 au Théâtre national de Bretagne, 1, rue Saint-Hélier, à Rennes, à 19h00.
- Pour en savoir plus : cliquer ce lien