Herri Gourmelen : la destinée d’un bretonnant hors pair
Qui sait s’il serait devenu le militant et l’homme politique breton qu’il a été si, adolescent, il n’avait pas fréquenté les cours de breton que donnait un grammairien du français au lycée de Quimper, puis ceux du rénovateur des festou-noz, puis les stages qu’organisait à la même époque celui à qui l’on doit la relance du mouvement Ar Falz sur de nouvelles bases à la Libération ? Il faut préciser que ses parents ne s’exprimaient entre eux qu’en breton, que tout le monde ou presque savait alors le breton à Argol où il est né en 1943. Enfant il avait eu l’occasion d’avoir une méthode de breton entre les mains. Ça ne suffit pas pour enclencher tout un parcours, mais dans le cas d’Henri Gourmelen, très vite devenu Herri, ce furent le fondement de multiples engagements de longue haleine.
Un engagement étudiant tout d’abord, au sein de la JEB (Jeunesse étudiante bretonne) et de l’UNEF. Mais aussi culturel, puisqu’il est devenu lui-même chanteur de kan-ha-diskan (photo ci-contre : Herri Gourmelen et Andrea ar Gouilh, lors du fest-noz qui suivit l'atttribution des noms de Channig et Charlez ar Gall à l'école publique d'Argol). Linguistique, puisqu’il a donné des cours de breton, notamment à Saint-Malo pendant sept ans, où lui et sa femme, Anne, s’étaient installés.
Engagement politique aussi, à partir du moment où il a adhéré en 1965 au tout nouveau parti qu’était alors l’UDB (Union démocratique bretonne) un an après sa création. Il en est devenu un des leaders, au point d’en être le porte-parole et le responsable des relations extérieures pendant quatorze ans, de 1980 à 1994. Ce qu’on connaît moins bien, c’est le rôle qu’il a joué à la tête du parti, en concertation avec son ami Ronan Leprohon, où il était chargé tous les deux ans de rédiger le rapport d’orientation politique, à l’occasion des congrès.
Une personnalité politique de premier plan
Ça n’allait pas sans soubresauts parfois, tant et si bien qu’il a démissionné deux fois du parti : d'une certaine manière, c'est une performance. Une première fois en 1969, pour ne pas cautionner l’expulsion brutale d’un grand nombre de militants dans le contexte de l’après-mai 68. Une seconde fois il y a cinq ans, en même temps que sept autres adhérents, pour avoir préféré faire alliance avec Jean-Yves Le Drian lors des élections régionales de 2015, ce qui n’était pas le choix de la nouvelle direction du parti. Il avait lui-même dû attendre 2010 pour devenir conseiller régional UDB au sein de la majorité régionale de gauche, et il ne l’a donc été que pour un seul mandat. Il a par ailleurs été longtemps conseiller municipal d’opposition à Saint-Malo.
Tout cela cumulé fait d’Herri Gourmelen une personnalité politique de forte notoriété, peut-être même le plus connu des militants UDB, sans avoir jamais avoir été élu à la tête d'aucune collectivité territoriale. Il n’hésitait jamais à entonner le Bro Goz ma zadou [Le vieux pays de nos pères, l’hymne breton) au sein de l’assemblée régionale. Ce fut notamment le cas lors de la venue d’une délégation de l’assemblée du Pays de Galles à Rennes : la singularité de la scène n’avait pas échappé à l’œil de Nono (photo du dessin de Nono DR).
Herri Gourmelen était un homme de fortes convictions, sur le fond comme sur la méthode. Il admettait la discussion, mais il y avait des points sur lesquels il ne transigeait pas. Pour autant, c’était quelqu’un de sympathique, jovial à l’occasion, de bonne fréquentation en tout cas, d’un abord facile et sachant se rendre disponible. Je l’avais interviewé en compagnie de Bernez Rouz pour l’émission en langue bretonne Red an amzer, en septembre 1999, sur France 3. Tous les sujets d’actualité avaient été abordés : Herri Gourmelen maîtrisait bien ses dossiers. Et son aisance en breton était remarquable.
C’est aussi la raison pour laquelle je lui avais proposé vers 2005 d’écrire un ouvrage en breton dans la nouvelle collection "Politikerez" [Politique] que je souhaitais publier aux éditions Emgleo Breiz. Comme le projet n’avançait pas et qu’il m’expliquait toujours qu’il manquait de temps pour écrire, on a procédé différemment : je l’ai interviewé en longueur durant quelques heures. Après retranscription, ces interviews ont donné lieu à un petit livre de 74 pages, au format de poche, qui a fait sensation dans le microcosme, car il est paru à la veille d’un congrès de l’UDB alors que personne ne s’y attendait. C'est le seul livre qu'il ait publié.
Pour en savoir plus :
- Herri Gourmelen, avec le concours de Fañch Broudig. Breiz a-gleiz. Brest, Emgleo Breiz, 2006, 74 p.
- Lire des extraits en version bretonne originale, avec traduction française, dans le message ci-dessous.
Mis à jour : le 23 novembre 2020, 16 h 53. Remerciements à Gaël Briand.