Quand Brigitte Fontaine se met à dire merde en breton
Est-ce une chanson prémonitoire ? La chanteuse originaire de Morlaix n’avait sans doute pas imaginé que le monde se trouverait sous la menace d’un innommable coronavirus quand elle a sorti son nouveau CD en janvier dernier. À moins qu’elle en ait eu une belle intuition. Elle parle pour elle, et pour nous tous. Dans le langage cash qu’on lui connaît, elle évoque la mort à venir, le choc mortel, "le basculement du vide vers le plein", et j’en passe.
"Mais parlons d’autre chose", proclame aussitôt celle dont on a fait une pythie, punk tant qu'à faire. L’énergie est toujours là et les mots sont toujours aussi surprenants, turbulents, insolents ou ironiques. Tantôt elle chante, tantôt elle dit. Elle crie aussi et parfois sourit.
Et c’est ainsi qu’elle interprète un "Kenavo blues", en 1'29 en tout et pour tout, dont le dernier mot, après un silence troublant, est un "kaoh" sonore et rageur, comme si elle s'adressait à la terre entière et qu'elle voulait tout envoyer balader. Entretemps, elle décline son spleen à mots on ne pas dire que ce n'est pas un peu flippant :
- j’ai le blues
- c’est la loose
- j’ai le bourdon
- c’est couillon
- c’est pourri…
Et répète deux ou trois fois "kenavo".
Ces "au revoir" et ce "merde" sont peut-être les seuls mots de breton que connaît Brigitte Fontaine, qui sait ? Elle a dû les entendre dans son enfance, mais ils font leur effet. L’album 17 titres (dont deux reprises), CD ou vinyle, s’intitule "Terre neuve", c’est donc qu’il y a toujours matière à surprendre et qu’il ne faut pas perdre tout espoir. Il a été réalisé par Yan Péchin (ex-guitariste de Bashung) et Jean Lamoot (Bashung, Noir Désir). Il est sorti chez Verycords.