Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog "langue-bretonne.org"
16 avril 2018

Bagadou : une interview qui devrait faire du bruit

Carney_naissance_des_bagadou_Tgr_2018-04-16

Le Printemps des sonneurs va se dérouler samedi après-midi à Brest et raviver parmi les Brestois le souvenir du Festival des cornemuses et du championnat des bagadou qui y ont été organisés chaque année entre 1953 et 1970. Ce printemps des sonneurs avait été lancé en 1997 pour marquer le cinquantenaire de l'un des bagadou de la ville, la Kevrenn Brest Sant Mark, créé pour venir en aide aux sinistrés à la suite de l'explosion du cargo Ocean Liberty dans la rade. Treize bagad sont annoncés au programme 2018, en différents endroits de la ville, avant un défilé sur le cours Dajot, puis le triomphe des sonneurs place Wilson. 

Les bagadou, c'est donc toute une histoire, sur laquelle revient Sébastien Carney, maître de conférences en histoire contemporaine à l'UBO, dans le grand entretien que propose Le Télégramme tous les lundis en page de Brest. Répondant ce lundi aux questions de Steven Le Roy, l'historien précise tout d'abord que la musique bretonne traditionnelle n'était interprétée jusqu'au milieu du XXe siècle que par des sonneurs de bombarde et biniou, lesquels ont également intégré tour à tour l'accordéon, le saxo et la clarinette à leur répertoire.      

Monjarret Polig-1

Quand Polig Monjarret bouleversait la donne

L'homme qui va "bouleverser la donne" en ce domaine, c'est Polig Monjarret : "c'est sous son impulsion que ce mouvement [des bagadou] se développe et qu'une musique aujourd'hui considérée comme traditionnelle se crée". Le problème, selon Sébastien Carney, c'est "qu'il y a un fantôme dans les placards de la BAS et qu'il n'a jamais été délogé". Polig Monjarret, constamment présenté comme ayant été avec Dorig Le Voyer le fondateur de la BAS (Bodadeg ar Sonerion, l'assemblée des sonneurs) est en effet perçu par les uns comme "un musicien apolitique pris dans le mouvement national breton" et par d'autres comme "un nazi zélé".

Le chercheur, connu par ailleurs pour sa thèse intitulée "Breiz Atao !" (Presses universitaires de Rennes, 2015), s'appuie sur divers documents et des photos qu'il a pu consulter et qui lui permettent de reconstituer l'itinéraire du jeune Polig Monjarret avant la guerre, son adhésion au nationalisme breton de l'époque et sa participation aux Bagadou Stourm (groupes de combat liés au PNB, le Parti national breton). Comme la Résistance le recherche, il part pour l'Allemagne. À son retour, il est acquitté lors de son procès en 1945. 

La création de BAS est intervenue en deux temps. Le premier en 1943 en lien avec l'Institut celtique, avec l'idée de "regrouper l'élite bretonne de demain dans une Europe nouvelle". Le second, à partir de 1946 sur la base d'un rapprochement avec la gauche et les milieux issus de la Résistance. Ce qui fait dire à Sébastien Carney que le succès de la BAS (devenue "Sonerien", les sonneurs) et l'espace qu'elle occupe désormais dans le paysage musical et culturel, "c'est avant tout un immense mouvement de jeunesse de l'après-guerre sur une idée trouble de l'avant-guerre qui a permis aux bagadou d'émerger".

Ce qu'il reste à comprendre, ce sont les divergences de perception entre l'historien et les responsables de "Sonerion". Car ces derniers, toujours aujourd'hui, ne font réellement démarrer l'histoire de l'ex-BAS qu'au moment du dépôt de ses statuts en 1946. C'était flagrant il y a deux ans, lors des animations (dont une exposition itinérante) qui ont marqué le 70e anniversaire "officiel" de la structure pendant tout l'été 2016. Serait-ce le fantôme auquel fait allusion Sébastien Carney ? Mais comment occulter plus longtemps des archives parfaitement attestées ? Trois-quarts de siècle plus tard, pourquoi donc est-il toujours aussi difficile aux Sonerion d'affronter leur passé et de solder leurs années d'origine ?

Pour lire l'interview de Sébastien Carney dans Le Télégramme : cliquer ici

Lire également sur ce blog : le compe-rendu d'une étude de François Gasnault

Pour en savoir plus, lire l'article de Sébastien Carney dans l'ouvrage publié l'an dernier sur les contacts entre la Bretagne et l'Écosse :

  • « L'Écosse régénératrice ou la création des ''cliques nationales'' bretonnes », dans Camille Manfredy et Michel Byrne (dir.), Bretagne-Ecosse : contacts, transferts et dissonances. Brittany-Scotland : Contacts, Transfers ans Dissonances, Brest, CRBC, 2017, p. 167-183.

 

Sonerien 70 vloaz-1         Sonerien 70 vloaz-3

Commentaires
J
L'itinéraire du "Général des Binioù" a déjà donné lieu à moult controverses étayées par quelques éléments historiques (voir K. Hamon). Cela est généralement oublié .... L' hommage à Polig Montjarret est certes mérité mais uniquement "musical".<br /> <br /> Il me semble aussi mais c'est un autre sujet, que le mouvement porté par l'invention des Bagadoù a tué l'ouverture de la musique traditionnelle à d'autres influences (et autres instruments), ouverture qui se faisait jour avant-guerre. Ce n'est que depuis peu que l'ouverture se fait et ce avec succès !
Répondre
Le blog "langue-bretonne.org"
Le blog "langue-bretonne.org"

Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 767 454
Derniers commentaires
Archives