Quand le street-artiste Banksy fait un clin d’œil en breton à ses visiteurs brestois
Sur le site exceptionnel des Capucins, il faut une à deux heures de queue pour accéder aux deux salles juxtaposées dans lesquelles sont exposées deux à trois cents de ses œuvres. Le Télégramme parle ce matin d’un succès fou pour l’artiste anonyme, avec plus de 17 600 visiteurs depuis l’ouverture de l’expo il y a une semaine. Les guides bénévoles, tel le comédien Guy Abgrall, sont plutôt fiers de porter leur veste mauve sur le dos.
- Photos et captations sur ce post : FB
- Mise à jour : 18 juin, 21h58
Les œuvres que l’on peut voir aux Capucins ont été collectées depuis 2007 par le comédien François Beradino, dit Béru, et ses amis. Ce ne sont pas de très grands formats, comme ceux qui font l’objet de spéculations à coup de millions d’euros sur le marché de l’art. Eux la jouent simple, comme en atteste la dénomination de leur « Banksy Modeste Collection » (BMC).
À l’entrée, sur la gauche, un amas de tuyaux et autres objets divers et variés en plastique colorés, sur lesquels est accroché ce qui semble bien être un paillasson « Welcome ». Pour faire chic, il est présenté comme « un tapis de bienvenue ». Il a été fabriqué à la main en 2019 dans des camps de réfugiés grecs à partir de gilets de sauvetage abandonnés sur les plages de Méditerranée. Toute la série de tapis avait été vendue en moins d’une heure.
En tournant le dos, vous apercevrez peut-être sur un poteau la miniature d’un petit singe noir pataud aux bras oblongs et aux courtes jambes, des antennes sur la tête : « eur marmouz du » [un singe noir], dirait-on en breton. Justement le texte qu’il affiche sur le ventre, c’est du breton et le pendant exact du « welcome » anglais en face : « degemer mat », également dans le sens de « bienvenue ». Banksy aurait-il spécialement réalisé ce pochoir pour l’exposition de Brest et pourrait-il l’avoir fait à la demande de la BMC ? On n’en sait rien…
Rien ne résiste à l’esprit corrosif de Banksy. Chez lui, le capitalisme n’a pas la côte, comme le laissent entendre ces boîtes de soupe à la tomate tristement empilées sur une lithographie monotone. Il ne paraît guère croire aux vertus de la religion catholique. La Kate d’Andy Warhol, qu’il a revisitée, avait été offerte en 2005 au format de carte postale lors d’une expo à Londres en 2005. Disney n'avait pas apprécié le détournement des personnages de Mickey au bénéfice de Greenpeace.
Banksy est un iconoclaste à l’humour décapant qui ne fait aucune concession. Che Guevara est ainsi représenté avec le signe du dollar américain incrusté dans ses lunettes de soleil dans une lithographie sur papier : l’image caustique du révolutionnaire argentin interroge sur les combats de l’icône de la guérilla. L’affiche du film que tourne Banksy en 2010 invite à faire le mur, au sens propre ou au sens figuré ? Mais comment parvient-il donc à préserver son anonymat avec toutes les initiatives qu’il prend ? Banksy est toujours aussi mystérieux, alors que chacune de ses réalisations surprend.
Dommage que l’exposition de Brest soit présentée dans un espace aussi réstreint, même si ce sont de petits formats. Les visiteurs se marchent sur les pieds et n’ont aucun recul. Chacun se construit son Banksy au fil de son parcours. Mais on quitte l’exposition avec, dans la tête, l’image de la petite fille regardant le ballon en forme de cœur rouge lui échapper des mains et s’envoler vers le ciel. L'affiche de l'expo aussi (photo ci-dessus), qui est offerte aux visiteurs à la sortie, est celle d'un manifestant masqué lançant une bouée en forme de cœur vers on ne sait qui ou quoi. Tout espoir n’est pas perdu.
Exposition visible de 11 heures à 19 heures jusqu’au 25 juin inclus aux Capucins, à Brest. Entrée gratuite.