Prevda : une belle coquille en breton
Comme chaque année, j'ai fait un petit tour ce matin au forum des algues de Lanildut, ne serait-ce que pour faire ma provision annuelle de produits de la Ouessantine, à base d'algues précisément.
Tout le dispositif du forum était changé cette année – sauf les parkings et quelques bénévoles stressés qui se prennent pour des commandants de gendarmerie : ça pourrait être plus cool. Les exposants, quant à eux, étaient désormais installés sur le port.
La scène et le restaurant étaient toujours au même endroit, un peu plus haut, je ne sais pas si c'était mieux. D'où l'intérêt des panneaux d'orientation sponsorisés par Le Télégramme, plantés un peu partout. C'est ainsi que j'ai découvert celui qui aurait pu me conduire vers le "predva".
"Predva" est l'un des termes que préconise Martial Ménard dans son dictionnaire français breton comme équivalent du français "restaurant". Mais c'est un néologisme, que peu de bretonnants sont à même de comprendre. D'autant plus qu'il le propose uniquement dans le sens restreint de "restaurant universitaire", alors que TermOfis, le site spécialisé de l'Office public de la langue bretonne, préfère pour cette acception le terme "preti" (de "pred", repas, et "ti ", maison).
Le premier choix de M. Ménard va également vers "preti", tout en admettant que le mot usuel serait "ti-debriñ" (de "ti", maison" et "debriñ", manger). C'est le même mot composé ("ti-debri") que propose Andreo ar Merser dans son dictionnaire. Seul Francis Favereau, dans son grand dictionnaire bleu, avance le lexème "restaorant" comme première acception. Et c'est, de fait, celui qu'utilisent en pratique la plupart des bretonnants.
Vous allez me demander : mais pourquoi donc toute cette digression ? Tout simplement parce qu'à Lanildut aujourd'hui, on ne lisait sur les panneaux ni "restaorant" (trop français et pas assez breton, sans doute), ni "ti-debri" (trop facile à comprendre), mais "prevda".
Attention ! Je ne dis pas "predva", qui à la rigueur veut donc dire "restaurant universitaire". Je dis bien "prevda" : c'est ce que j'ai lu et que j'ai photographié. Où est le problème, me direz-vous ? Avec cette inversion du "v" et du "d", on n'est tout simplement en présence que d'une jolie coquille. On en fait aussi très couramment en français, c'est vrai. Si ce n'est que l'on peut tout quasiment comprendre "prevda" (avec le "v" devant le "d") comme "l'endroit où il y a des vers" (de terre, etc.). Comme restaurant, on peut faire mieux.
Tout ça, en fait, n'a aucune importance. Personne, ni au Télégramme, ni au comité d'organisation du Forum des algues, ni parmi les visiteurs, ne s'est rendu compte de la bourde. Donc, est-ce qu'on ne s'en fiche pas un peu ? Même si "predva" avait été écrit correctement, qui l'aurait compris ? De toute façon, tout le monde peut s'orienter à l'aide du français "restaurant". Même si l'on est dans l'affichage symbolique, on peut faire mieux en matière de bilinguisme. Que ça ait du sens, tant qu'à faire.