Manifestation annoncée à Carhaix : l'inquiétude des éditeurs
Rassurez-vous : la manif, ce ne sera pas ces jours-ci, pendant les Vieilles Charrues. Mais Kevre Breizh, la coordination des associations culturelles bretonnes, l'a annoncé ce vendredi matin dans Ouest-France, en page Finistère en tout cas : elle a retenu la date du samedi 24 octobre prochain pour organiser une nouvelle grande manifestation à l'image de celle qui avait eu lieu il y a trois ans à Quimper et qui avait réuni de 8 000 à 12 000 personnes.
Cette manifestation du 31 mars 2012 était uniquement bretonne, mais des rassemblements similaires avaient eu lieu le même jour à Toulouse pour ce qui est des Occitans et dans d'autres régions. Cette année, la donne change : Carhaix sera un rendez-vous national pour toutes les langues de France. Il faut donc s'attendre à ce que des délégations plus ou moins nombreuses fassent le déplacement de Corse, du Pays basque et d'Alsace, notamment.
La date n'a pas été choisie au hasard. De la même manière que les manifestations de mars 2012 avaient été organisées à quelques mois des élections présidentielle et législative, celle d'octobre 2015 aura lieu quelques semaines avant les régionales de décembre prochain. Les manifestants revendiqueront une nouvelle fois un statut pour les langues de France et sans doute la ratification de la Charte (qui est en principe à l'ordre du jour), ainsi que plus de compétences pour les assemblées régionales.
Faudra-t-il avoir le don d'ubiquité ?
Kevre Breizh annonce par ailleurs avoir choisi la date et le lieu "pour entrer en concordance" avec le Festival du livre qui se tiendra également à Carhaix le même week-end. En concordance ? Ce n'est pas si sûr. J'ai plutôt l'impression qu'elles vont se trouver en concurrence frontale. Pour plusieurs raisons :
- Première question toute simple : comment prendre part au même moment aux deux événements, comme beaucoup pourraient vouloir le faire ?
- Kevre Breizh prévoit d'organiser des débats, des concerts et des stands, parallèlement à la manifestation. Tanguy Louarn, le porte-parole de la coordination, m'indique qu'il n'y aura pas de concert en soirée. Soit. Mais toutes les animations que va proposer Kevre Breizh à l'occasion de la manifestation ne vont-elles pas attirer du monde au détriment du Festival du Livre ? Au fait, où seront-elles proposées ?
- Le départ de la manifestation carhaisienne est prévu à 14 heures 30 sur le site de Kerampuill. Épatant en apparence pour garer sa voiture, pour les prises de parole avant la mise en route de la manif, etc. Mais qui prendra le temps de faire un crochet par la salle Glenmor et le Festival du livre avant de prendre part au défilé ? Qui le fera au retour de manif, quand il sera temps de rentrer chez soi ? Qui reviendra une deuxième fois en deux jours à Carhaix, le dimanche ?
C'est un risque important pour les éditeurs. Si, en raison de l'audience attendue de la manifestation de Kevre Breizh, le Festival du livre de Carhaix attire moins de visiteurs que d'habitude sur deux jours – et surtout l'après-midi -, comment vont s'en sortir les éditeurs ? Le contexte est tendu : un prestigieux éditeur quimpérois vient déjà de mettre la clé sous la porte, et ce n'est pas le seul.
Tout ça est d'autant plus surprenant que le thème qu'a retenu le Festival du Livre pour cette année est… l'édition et la langue bretonne. En l'état, il n'est pas du tout assuré que l'édition de langue bretonne ni l'édition en Bretagne ne sortent indemnes de cette collision d'événements.
Aucun représentant du Festival carhaisien du livre ne s'est déplacé à la réunion à laquelle Kevre Breizh l'avait pourtant invité à Pontivy. Il n'y a donc pas eu de concertation à ce jour entre organisateurs. Il n'est peut-être pas trop tard pour l'envisager ? Pourquoi la manifestation, au lieu de se disperser je ne sais où, ne le ferait-elle pas, à une heure raisonnable, tout près du Festival du livre ? Il est temps de rassurer les éditeurs, et de bien communiquer sur tout ça.