Charte des langues : les députés UMP vont voter pour, mais pas tous
C'est seulement le mardi 28 janvier qu'interviendra à l'Assemblée nationale le vote solennel concernant la proposition de loi déposé par presque tous les groupes parlementaires (PS, écologistes, radicaux de gauche, UDI, UMP) en vue de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Le débat aura lieu auparavant, comme prévu, mercredi 22 janvier. Ce débat va être suivi très attentivement par tous ceux qui s'impliquent en faveur des langues de France.
L'enjeu est important. Ce n'est en effet que si le texte est voté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat, d'une part, et qu'il recueille une large majorité des 3/5 dans les deux assemblées, d'autre part, que pourrait être effectivement envisagée une révision de la Constitution autorisant cette ratification. Dans ce contexte, beaucoup se posent la question de savoir quel sera le comportement de l'UMP.
Marc Le Fur, député des Côtes d'Armor, m'a accordé ce soir une interview au cours de laquelle il m'a précisé sa position. Il s'apprête à voter en faveur du texte qui sera défendu par le rapporteur, J.-J. Urvoas (PS). Mais l'un des objectifs qu'il se fixe également lors de ce débat, c'est de convaincre les autres députés UMP - ceux qui sont réservés, voire hostiles, aux langues régionales - de ne pas voter contre. Marc Le Fur critique Jean-Jacques Urvoas et pointe le risque d'abstention à gauche. Mais l'UMP est loin d'être unanime sur cette question.
- L'UMP a déposé une proposition de loi, qui est bien mieux que celle de Jean-Jacques Urvoas parce qu'elle ne crée pas de contraintes. Celles que prévoit la proposition socialiste peuvent être demain des occasions de censure, quand on voudra faire passer des textes relatifs aux langues régionales. Pour à peu près tous les juristes, c'est un vrai risque, objectivement.
- À la commission des lois, J.-J. Urvoas a insisté sur le fait qu'il faut rassurer, puisque tout le monde n'est pas pour les langues régionales. Je peux comprendre cet argument, à cette réserve près qu'aujourd'hui c'est demain. Demain ce texte pourra être utilisé contre les langues régionales. Vous avez vu ce texte : 15 lignes, 1 favorable, 14 défavorables.
Est-ce que tous les députés UMP vont voter en faveur de ce texte ?
- Tous les députés UMP concernés vont voter l'adoption de la charte. Ce que j'espère, c'est que dans le débat Urvoas évoluera. Je crains qu'il n'évolue pas. S'il ne le fait pas, on ne va pas aller à l'encontre de la charte malgré tout. Mais je crois qu'on en est en train de gâcher la fête – ce qui aurait pu être une occasion de satisfaction pourra être une occasion d'inquiétude – et on aurait pu mieux faire en évitant toutes ces limitations.
- Cette proposition de loi doit être votée par l'Assemblée nationale et par le Sénat dans les mêmes termes, puis elle donne lieu nécessairement à référendum. Mais personne ne fera un référendum là-dessus. On se trouvera donc dans une impasse. Les socialistes disent : une fois qu'on se sera comptés, interviendra un projet de loi d'initiative gouvernementale. Pourquoi ne l'ont-ils pas fait dès le début ?
- Il s'agit de l'engagement 56 du Président de la République : il aurait été logique que le gouvernement présente un projet de loi constitutionnel. Là on pouvait tout de suite passer au vote, puis réunir le Congrès permettant l'adoption de la Charte. Ce n'est pas le cas.
Quelle est exactement votre position sur ce texte ?
- Premièrement, il faut l'adoption de la Charte. Deuxièmement : ce serait mieux si c'était dans d'autres conditions. Mais, troisièmement, l'adoption de la charte ne changera rien en termes d'objectifs, puisque le gouvernement français ne veut adopter que 39 engagements. Sur ces 39 engagements, tout se fait déjà : ça ne changera rien.
- Le vrai objectif, ce n'est pas l'adoption de la Charte, mais une loi sur les langues régionales, qui crée l'obligation pour l'administration d'offrir aux familles qui le souhaitent la possibilité que leurs enfants soient éduqués dans une langue régionale. Aujourd'hui, il n'y a aucun engagement pour cela. Les socialistes restent des jacobins.
Il y a des jacobins à l'UMP aussi, que je sache…
Je n'ai pas dit le contraire ! On ne peut donc pas pressentir le résultat du vote. Il y aura pas mal d'abstentions à gauche. Je peux dire que tous les députés UMP concernés, de Flandre, d'Alsace, de Corse, de Bretagne et de Catalogne voteront le texte. D'autres ne le feront pas. Ce qui est clair, c'est qu'une partie du groupe UMP va voter contre. Ce sera donc l'objet de mon intervention au cours du débat, mercredi : convaincre ceux qui ne connaissent pas le sujet. Ils sont sensibles aux fantasmes, à des peurs inconscientes. Je vais leur dire que tout ça n'a pas lieu d'être. Il existe une demande des familles. On a déjà beaucoup progressé dans ce domaine. Je veux donner un tour un peu raisonnable à cette affaire.
L'adoption de la révision constitutionnelle vaudra ratification. Il faudra ensuite voter une vraie loi, qui intègre des choses très concrètes. Jusqu'à présent, la commune d'origine d'un enfant qui quitte sa commune pour intégrer une école publique bilingue ailleurs, n'est pas obligée de payer. Et le réseau Diwan ne peut être subventionné qu'au bout de cinq ans. Ce sont des obstacles concrets que seule une loi peut lever.
Sur le même sujet et sur ce blog : lire également l'interview de Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère (PS).