François-Henri Pinault ne sait pas le breton
Il l'a annoncé, et toute la presse en parle : le 18 juin prochain le groupe PPR (Pinault Printemps Redoute) va changer de nom et s'appellera désormais Kering. Une belle opération marketing pour symboliser la nouvelle identité du groupe et son recentrage sur le luxe et le lifestyle.
- Comme on nous l'explique, le nouveau nom est indubitablement à consonance anglo-saxonne : le suffixe "ing" est adopté pour donner une impression de mouvement. Soit.
- Le lexème "Ker" est présenté quant à lui comme un clin d'œil aux origines bretonnes de la famille Pinault. Et l'on nous répète partout que "Ker" signifie "foyer, maison" en breton.
Eh bien non !
Ce n'est pas le mot "ker" (sans accent) qui traduit les termes "foyer" ou "maison" en breton, mais le mot "kêr" (avec un accent circonflexe). Encore ce monosyllabe a-t-il d'abord le sens de "ville, village, villa", puis celui de "chez soi", correspondant à peu près à l'anglais "home". Certes, le terme "ker", ainsi transcrit, entre aussi dans la composition d'énormément de noms de villes et de lieux-dits en Basse-Bretagne : c'est aussi dans le sens de "village".
La famille Pinault ne l'a sans doute pas fait exprès, mais en optant pour "ker", ainsi écrit, elle a choisi un terme qui symbolise bien mieux que tout autre la nouvelle orientation du groupe vers l'industrie du luxe. Le mot breton "ker" se traduit en effet en français par "cher".
Oui ! Et dans tous les sens du terme :
- pour marquer l'affection, mais assez peu usité : "keneil ker", cher collègue
- et surtout pour qualifier ce qui est cher : "ker eo ar hwez-vad", ce parfum est cher…
L'avenir dira si, pour générer de la plus-value, l'intuition irréfléchie de François-Henri Pinault était juste.
Voilà donc la langue bretonne propulsée à l'international par un grand groupe qui ne l'est pas moins. À l'heure où la France semble hésiter à ratifier la Charte européenne des langues régionales, la question se pose : cette brittomanie changera-t-elle quelque chose pour son devenir ?