Marcel Guilloux et les siens
Ce n’est pas la première fois que Marcel Guilloux passe à la télé. Mais le documentaire diffusé ce matin sur France 3 dans l’émission "Red an amzer" est sans doute le film le plus subtil et le plus sensible qui lui ait été consacré. Il est signé de Sébastien Le Guillou, Bastian pour ceux qui le connaissent bien. C'est le 3e dimanche de rang que le réalisateur vieux-marchois (photo ci-contre de Véronique Le Goff) est au programme de la télé en langue bretonne.
- Le 20 mars, il s'agissait du portrait de Roger, le gardien de la chapelle des Sept-Saints au Vieux-Marché, filmé sous la neige en 8e dormant. Langage codé : pour décoder, voir le film ou se reporter à la légende des sept saints dormants d'Ephèse.
- Dimanche dernier était rediffusé le documentaire qu'il avait tourné en 2003 avec Lorenzo della Libera sur les infirmières de nuit à l'hôpital de Lannion, belle restitution de leur vécu nocturne et de leur pratique spontanée du breton sur leur lieu de travail.
Marcel Guilloux (avec un x) n'a sans doute pas la même notoriété que les frères Morvan. Pour les connaisseurs, il est une référence, comme chanteur et comme conteur. Il suffit de voir le plateau qu'a su réunir Sébastien pour le film. Pas un fest-noz géant. Mais tous ceux qui ont un nom aujourd'hui dans le kan-ha-diskan étaient là, pour quelques pas de plin en petit comité ou pour un café, ou plus : Annie Ebrel, Marthe Vassallo, Nolwenn Le Buhé, Erik Marchand, Christian Rivoallen, je ne peux pas les citer tous.
Marcel Guilloux est né en 1930 dans un village de Lanrivain qu'il n'a jamais quitté, et avec un problème de vue jamais bien résolu. Il a toujours entendu conter et chanter autour de lui. Ce n'est qu'à l'âge de 27 ans qu'il a voulu apprendre à chanter lui-même. Il suffisait qu'il écoute deux ou trois fois des chanteurs dans un fest-noz pour bien apprendre "ton ha son" comme on dit en breton, l'air et les paroles. La tradition orale à l'état pur. Depuis, il est lui-même devenu un transmetteur. Et créateur de quelques nouvelles chansons à danser.
Ce qui est remarquable dans le film de Sébastien Le Guillou, c'est la manière dont il a su filmer ce qui n'est guère filmable, et sans que cela ne paraisse pesant, le travail de remémoration, la recherche du ton juste, l'échange entre chanteurs, une complicité inexprimable entre Marcel Guilloux et les siens. On perçoit de temps à autre des constantes dans la réalisation de Sébastien ou plutôt des remakes, comme cette scène de cène de Marcel à table avec toutes ses amies chanteuses, ou la descente dans la prairie… On voit en même temps la modernité faire irruption dans la tradition, sous la forme d'un Yann-Fañch Kemener descendant de moto et déposant son casque avant d'échanger avec son compère sur l'interprétation de tel ou tel air de danse plin. Une manière, qui sait, d'anticiper le classement du fest-noz au patrimoine mondial de l'Unesco ?
J'aimerais signaler quelques noms au générique de ce documentaire : Jean-Luc Guérin pour l'image, Julien Baffert et Ludovic Decarssin pour le son, Pascal Coulombier pour le mixage, Jean-Claude Barré pour la lumière et l'excellente Katia Manceau pour le montage. La scène finale est très tendance.
A voir ou à revoir pendant quelque temps sur le site de Red an amzer