Nouvelle revue de presse
L'hebdo Ya ! et la revue Brud Nevez (en breton), le magazine Armor et Le Peuple Breton (en français) viennent de publier à leur tour des dossiers concernant le rapport que j'ai remis au recteur d'académie : c'est un indicateur parmi d'autres de l'importance que revêt la question de l'enseignement du et en breton et cela contribue au débat nécessaire à son sujet.
Ce qu'en disent ceux qui sont concernés
Le dossier le plus fourni est sans doute celui qui paraît ces jours-ci sur une trentaine de pages dans Brud Nevez (téléchargeable). La revue donne la parole à plusieurs acteurs concernés par l'enseignement bilingue. Certains commentaires sont critiques. Armelle Le Coz, qui représente la FSU au sein du Comité académique des langues régionales (CALR), regrette ainsi que, dans le rapport, rien n’est dit sur les moyens. Tous reconnaissent cependant l'intérêt de nombre de préconisations figurant dans le rapport.
Paul Molac, président de Div Yezh, admet que des classes bilangues au collège pourraient motiver un certain nombre d'élèves. Pour l'Union des enseignants de breton (UGB), ce ne serait pas du tout une bonne idée. L'un et l'autre voudraient surtout éviter que l'ouverture de classes bilangues (anglais breton) se fasse au détriment du bilingue. Chantal Clément, présidente de Dihun, se positionne quant à elle en faveur d'un enseignement trilingue breton/anglais/français et se prononce pour une relance de l'option de breton au collège. Paolig Combot, président d'Ar Falz, trouve anormal le niveau de déperdition d'élèves bilingues entre le CM2 et la 6e.
Olivier Biguet témoigne en toute sincérité de son vécu sur le terrain. Cet instituteur Diwan à Nantes est ravi d'enseigner et surtout d'enseigner en breton. Il s'est rendu compte à la lecture du rapport qu'il n'était pas le seul à être confronté à toutes sortes de difficultés pour le faire. Il voit bien que l'ouverture d'une nouvelle classe bilingue dans une région où très peu de gens parlent le breton, ce n'est pas toujours si simple. Il ne comprend pas que le breton ne soit pour certains qu'une langue d'enseignement. Surtout, il est ému et tout heureux d'entendre ses élèves énoncer leur première phrase en breton.
Une base de discussion
"Un rapport qui incite au débat" : c'est ce qu'écrivait l'hebdomadaire "Ya !" à la une de son n° 298, fin février. Le journal fait état d'une "enquête approfondie et de propositions". Il a sollicité le point de vue d'enseignants et de parents d'élèves de la filière bilingue. Il y en a qui sont dubitatifs, tel cet ancien enseignant de breton, ayant eu des responsabilités au Rectorat et qui n'y voit qu'une caractéristique du système français : "pour rassurer les militants, les associations et les syndicats, on commande des enquêtes. C'est un moyen de gagner du temps", sous-entendu pour ne rien faire. Le Recteur et l'Inspecteur chargé des langues régionales ont pourtant déclaré à de multiples reprises qu'une suite serait bel et bien donnée au rapport.
Les responsables des associations de parents d'élèves bilingues, Paul Molac (Div Yezh) et Yann Le Corre (coordinateur Dihun) estiment pour leur part que la situation ne peut rester en l'état : "beaucoup de ces préconisations sont précises, concrètes, et il convient de les mettre en œuvre. D'autres doivent être adaptées. Le rapport peut servir de base de discussion pour une réflexion plus poussée sur certains points."
La une du magazine Armor
"Armor" consacre également la couverture de son numéro de mars à la langue bretonne et à ce "rapport qui fait débat". Parmi toutes les réactions qu'il a recueillies, Yann Guénégou fait état de celle du président de Diwan, Serge Guégo, selon lequel "ce rapport montre bien les avantages de l'immersion pour les élèves et les langues, même si la dimension associative de Diwan n'est pas assez mise en avant […]. Les préconisations sur la valorisation sont intéressantes."
J'avoue ne pas très bien comprendre la raison pour laquelle les responsables de Skol an Emsav, Olier ar Mogn et Gwenvael Jequel, paraissent offusqués sous prétexte que j'ai défini SAE comme un "centre d'enseignement du breton pour adultes" : ce sont exactement les termes qui figurent en gros caractères sur leur site internet. Je ne vois vraiment pas en quoi cela laisserait "planer un doute sur [leur] sérieux" d'autant que Skol an Emsav est le seul organisme pour lequel je détaille sur une demi-page les différents financements publics qu'il est possible d'obtenir pour y suivre une formation longue en breton.
Enfin, je ne vais pas passer mon temps à discuter de détails plutôt formels. Encore que les regrets d'Armelle Le Coz, directrice d'une école publique bilingue, me semblent un peu tardifs : il aurait fallu, dit-elle dans "Armor", confier une telle étude à un groupe d'experts. Pourquoi pas, après tout ? Elle a sûrement eu tout loisir pendant deux ans d'en faire la proposition au sein du CALR.
La question orthographique
Toutes ces publications abordent bien évidemment la question de l'orthographe du breton, dont traite aussi le rapport. Sur ce sujet, les réactions sont finalement plus nuancées qu'on voudrait le faire croire et les polémiques lancées sur internet ont fait pschitt. Il y en a cependant qui tentent de verrouiller le débat : "le peurunvan a ses manques, reconnaît Fulup Jakez dans "Armor", mais on ne peut le remettre en question."
Il n'y a donc rien à faire pour éviter que trop d'élèves prononcent le breton comme du français ? Ce n'est pas du tout le sentiment de Paolig Combot : "ne nous bloquons pas, dit le président d'Ar Falz, sur des points de vue dépassés : les lignes doivent bouger !" Chantal Clément, dans "Armor", se prononce pour des améliorations. Paul Molac, dans "Ya !", n'est pas hostile à une réforme : si c'est pour aboutir à une seule orthographe, pourquoi pas ?
Mais le président de Div Yezh demande qu'on ne réduise surtout pas l'intérêt du rapport à cette seule question : "tirons-en le meilleur parti possible", dit-il dans Brud Nevez.
Autres réactions
Sous la plume de son nouveau rédacteur en chef, Gael Briand, "Le Peuple Breton" fait état des conditions dans lesquelles le breton s'enseigne en 2011 : "l'enseignement public, écrit-il, compte trop peu de collèges disposant d'une filière breton." Le propos ici se veut plus politique (ce qui n'est pas une surprise) : entre le rectorat et les différents partenaires concernés par l'enseignement du breton, "l'avenir, écrit Gael Briand, doit être à la cogestion." Selon lui, "la langue bretonne est une affaire de Bretons et il serait temps que cette compétence soit attribuée à un échelon qui sache de quoi il parle."
Un autre mensuel, prenant prétexte du rapport auquel il ne fait allusion qu'en trois mots à peine, revendique pour la Bretagne un statut qui serait d'ici 2050 l'équivalent de celui du Pays de Galles ou de la Catalogne. C'est une approche qui reporte à une échéance lointaine la résolution des problèmes auxquels est actuellement confronté l'enseignement en breton.
Le Mouvement Bretagne Progrès / Breiz war-raok, fondé par Christian Troadec, estime que le rapport porte "un regard lucide sur la dure réalité de l’enseignement du breton. Les lecteurs ne manqueront de relever les explications fatalistes de certains enseignants et le « blues » qui parfois les habite face à l’opposition larvée d’un système scolaire trop conformiste […]. Espérons que les élus locaux et régionaux, les décideurs, les associations militantes un peu trop discrètes depuis quelques années, y trouveront matière à réflexion et à action."
André Le Gac est pour quelques jours encore le conseiller délégué à la langue bretonne au Conseil général du Finistère. Dans "Brud Nevez", il affirme qu'il faut tout faire, en matière d'orthographe, pour faciliter l'apprentissage du breton par les enfants. Il est d'avis qu'il faut aujourd’hui "vivre, décider et se cultiver au pays et apprendre le breton au pays."
Agenda
Jeudi 24 mars, à 18 heures : conférence-débat à Ti ar Vro, à Quimper
Mardi 12 avril à 18 heures : café breton à la librairie Dialogues à Brest, à l'invitation de Mikeal Treguer.