Exclusivité : La Poste et le breton, c’est OK
Chacun se souvient de la tempête provoquée l’hiver dernier par La Poste : son Directeur du courrier pour l’Ouest Bretagne, Yves Amiard, avait recommandé “de choisir le français plutôt que le breton pour les dénominations” de rues et de villages sous prétexte que les nouvelles machines qui trient le courrier et organisent les tournées des facteurs ne reconnaissaient pas les apostrophes des noms de lieux bretons : "les apostrophes perturbent la lecture optique", avait-il également déclaré (voir message du 17 janvier et des jours suivants).
Ces réactions avaient suscité pas mal de réactions et de commentaires sur internet et dans la presse, de la part des élus et des associations culturelles. Le Président de la Région, Jean-Yves Le Drian, avait même écrit au Président de La Poste, pour lui demander que les courriers à la toponymie bretonne soient traités de la même manière que tous les autres courriers.
Dans sa réponse, Jean-Paul Bailly reconnaissait que “le système de lecture rencontrait des difficultés pour interpréter certains signes de ponctuation ou les spécificités de certains mots bretons”. Et surtout, il annonçait que "d'ici fin mai 2009, une nouvelle version informatique du système de reconnaissance des adresses résoudra la totalité des cas spécifiques restant encore à traiter".
Le nouveau système est opérationnel
Je me suis donc adressé à La Poste pour savoir où en était la mise au point de ce nouveau système de reconnaissance des adresses et s’il était effectivement opérationnel dans les délais prévus. Voici le texte intégral de la réponse que je viens d’obtenir du Groupe La Poste - Bretagne :
"Conformément aux engagements pris par le Président Jean-Paul Bailly, en janvier dernier, La Poste a mis au point une nouvelle version informatique du système de reconnaissance des adresses. Cette nouvelle version permet d’interpréter automatiquement des adresses comportant des libellés de communes ou de voies rédigés en langue bretonne.
Pour ce faire, le nouveau système informatique a été enrichi de dénominations répertoriées par l'Office de la langue Bretonne et s’appuie sur les libellés de dénomination des voies validés par les services municipaux.
Cette démarche s'inscrit dans le cadre d’un travail continu réalisé en concertation avec les élus locaux afin que toutes les voies, hameaux et lieux-dits portent un nom. Le cas échéant, si la voie n’a pas été reconnue par les lecteurs optiques (qu’elle soit rédigée en Français ou en Breton), les agents du courrier grâce à leur savoir-faire sauront orienter le pli sur la bonne tournée de distribution.
Ce système de haute technologie équipera progressivement toutes les plates-formes industrielles courrier. Il permettra de fiabiliser encore plus les performances de lecture, du fait de sa capacité à prendre en compte un nombre plus important de formes orthographiques différentes utilisées par les émetteurs de courrier.
Ainsi renforcer les performances de lecture optique de nos machines permettra d’offrir à nos clients une meilleure qualité de service pour la distribution de leur courrier."
La querelle des apostrophes est réglée
Selon les précisions qui m’ont été fournies, le nouveau système fonctionne d’ores et déjà dans les centres départementaux de traitement du courrier. Il fonctionnera également sur les deux plateformes industrielles “courrier” qui doivent entrer en service à Rennes et à Brest en 2011.
Parallèlement, La Poste continue de travailler avec l’ensemble des communes de la région pour que toutes les voies et lieu-dit portent un nom et un numéro. Mais elles ne sont pas du tout obligées de remplacer les noms de lieux bretons par d’autres à consonance plus française : La Poste avait d’ailleurs déjà indiqué dès le mois de janvier que ces noms peuvent être bretons ou français, c’est aux municipalités d’en décider. Elle a donc fait évoluer ses outils et ses systèmes informatiques pour tenir compte des réalités du terrain. Elle a même sollicité le concours de l’Office de la Langue Bretonne pour que toute adresse rédigée en langue bretonne puisse être reconnue. Dans un passé plus ou moins récent, il y a bien eu quelques problèmes pour l’acheminement du courrier, lorsque les adresses étaient rédigés en breton. Ce ne devrait donc plus être le cas.
Non seulement la question de l’apostrophe en breton ne se pose plus. Non seulement n’est-il plus question de remplacer la toponymie bretonne par de nouveaux noms de lieux en français. On peut même rédiger son adresse en breton, les machines de tri sauront les lire et La Poste fera ce qu’il faut. Comme quoi, la technologie peut tout à fait s’adapter aux réalités linguistiques, et il valait la peine de le signaler.
Ce qu’il faut en retenir :
1. il aurait tout simplement fallu anticiper et commencer par ça, pour ne pas déclencher de polémique par des déclarations intempestives sur une question particulièrement sensible ici
2. un service comme La Poste sait faire preuve de réactivité et prendre les dispositions qui s’imposent à l’égard de langues régionales que la Constitution reconnaît désormais : pour elle, c’est sans doute important en termes d’image, mais aussi pour rester en phase avec certaines attentes de la société.