Les ouvriers de Quimper à la fin du XIXe siècle
Autour des années 1900, la condition ouvrière à Quimper diffère beaucoup de celle de "Brest la rouge". C'est ce que met en évidence une intéressante étude de Lucie Guirriec dans le dernier numéro de la revue de la Société Archéologique du Finistère. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la capitale de la Cornouaille se signale par une phase de développement industriel important (trois manufactures de faïences, conserveries, petites usines…). Si bien que les ouvriers aspirent à de nouveaux besoins en matière de loisirs et de culture. Bien que cumulant les heures de travail, ils participent aux fêtes populaires, comme la fête nationale (installée le 14 juillet à partir des années 1880) ou les spectacles forains durant tout le mois d'août.
C'est cependant le cabaret qui attire les "sans-loisirs" pendant leur temps libre : le cabaret que des historiens ont considéré comme "l'église de l'ouvrier". L'alcool rythme la vie ouvrière et l'alcoolisation ouvrière effraie la population. Les actes de violence sont habituels : à la sortie des cabarets, contre les agents de l'ordre… Les femmes subissent la violence conjugale et les enfants en sont également victimes. Les suicides ouvriers sont souvent liés à l'abus d'alcool.
L'analphabétisme est assez répandu dans le milieu ouvrier quimpérois au milieu du XIXe siècle. Autour de 1890, 28% ne savent pas signer : ils n'ont pas bénéficié des nouvelles lois scolaires de Jules Ferry. Mais 80% de ceux qui ne peuvent pas signer sont d'origine rurale, et parmi les ouvriers quimpérois d'origine rurale, l'analphabétisme est aussi important qu'à la campagne. Vers la fin du siècle, les lois scolaires font sentir leur effet : alors que les illettrés restent nombreux dans la population agricole, elle diminue considérablement parmi les ouvriers, en ville.
Lucie Guirriec fait observer que la pratique de la langue bretonne reste alors largement dominante dans la classe ouvrière. Elle rapporte l'analyse du Préfet : "cet état de choses tient en partie à l'emploi de l'idiome breton qui est, dans cette contrée, une cause d'empêchement au développement de l'instruction". J'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer qu'il s'agit là d'une idée reçue de l'époque : l'administration considère le breton comme l'obstacle qui empêche le développement des écoles, mais aussi que la seule façon d'éliminer l'obstacle serait… de développer les écoles. On ne peut mieux dire que l'administration tourne en rond : comme elle ne veut pas de la présence du breton à l'école, elle s'accommode finalement de la situation telle qu'elle est.
Société Archéologique du Finistère, BP 1156, 29101 Quimper-Cedex.