La Poste et le breton : point final ?
Après les déclarations de son directeur pour l'Ouest-Bretagne, après toutes les prises de position qui ont suivi en quelques jours, La Poste apporte des précisions sur la manière dont elle entend améliorer la distribution du courrier (Ouest-France de ce 20 janvier). Ces précisions sont assez claires : elle entend travailler "en concertation avec les élus locaux, pour que toutes les rues bretonnes, lieux-dits et voies portent un nom, que ce nom soit breton ou français". S'il ne s'agit que de cela, ça ne devrait pas être trop compliqué.
La Poste ajoute que la dénomination des voies, hameaux et lieu-dit "est évidemment du ressort des municipalités" et indique même que "en aucune façon elle ne privilégie le français pour la dénomination des rues". Les communes n'ont donc pas à transformer la toponymie locale, comme on avait cru le comprendre.
Ces précisions devraient mettre un terme à une polémique qui ne se serait jamais développée, si le Directeur de La Poste pour le Finistère et le Morbihan n'avait quand même pas déclaré qu'il "recommand[ait] de choisir le français plutôt que le breton pour les dénominations" de rues et de hameaux. C'est ce qu'il faut bien considérer au minimum comme une maladresse, au pire comme une vraie méconnaissance des réalités régionales.
Dans l'introduction de ma thèse sur "L'évolution de la pratique du breton de l'Ancien Régime à nos jours" (Presses Universitaires de Rennes, 1995), j'écrivais ceci : "S'il est un sujet qui, en Bretagne, et singulièrement en Basse-Bretagne, ne laisse personne indifférent, et peut même susciter les passions, c'est à l'évidence la langue bretonne." Aujourd'hui, il y a beaucoup moins de bretonnants qu'il n'y en avait il y a 50 ans. Mais sur la question de la langue bretonne, on ne plaisante pas. Toutes proportions gardées et avec des enjeux tout à fait différents, cette affaire m'en rappelle une autre quand, il y a un siècle, le Président du Conseil avait voulu interdire au clergé d'assurer la prédication en breton dans les églises : cette décision avait soulevé un tollé comme il y en a rarement eu. Il y a eu quelques autres histoires du même genre.
Avec tout ça, on ne sait pas comment La Poste va résoudre le problème qu'auraient ses nouvelles machines de tri avec les apostrophes du breton. Il lui reste à restaurer une image qui s'est détériorée en quelques instants auprès de tous ceux pour qui la langue bretonne représente quelque chose d'important, que ce soit au niveau des usages concrets ou au niveau symbolique.