Décentralisation : quand Jean-Jacques Urvoas tacle le Chef de l’État
Il le fait ce vendredi 8 décembre dans une tribune que publie Le Télégramme sous le titre « L’organisation de l’État n’est décentrée que dans les mots ». En ligne, le titre est différent : « Réformer l’État plutôt que remodeler la décentralisation. »
- Ci-dessus : Jean-Jacques Urvoas à la librairie Dialogues à Brest, le 23 août 2023, pour présenter son livre "De l’indépendance de la justice. Le vrai rôle du garde des Sceaux", éditions Odile Jaob. Photo : FB
De nobles intentions
Pour chacune des années 2017, 2018, 2019 et 2020, l’ancien garde des Sceaux ne relève pas moins de fortes déclarations d’Emmanuel Macron annonçant « un pacte girondin », puis « une nouvelle génération de la décentralisation » (à deux reprises), puis « plus de différentiation », sans que, fait observer J.-J. Urvoas, « jamais aucune décision ne concrétis[e] ces nobles intentions. »
Il y a quelques semaines, il a reçu des maires de toute la France à l’Élysée à l’occasion de leur congrès à Paris et proclame qu’il va « repenser toute notre architecture régionale ». Il demande à Éric Woerth de réfléchir « à la clarification des compétences ». J.-J. Urvoas fait remarquer avec un brin d’ironie qu’il « est plus connu pour son intérêt pour les finances publiques que pour les enjeux locaux. »
Les élus locaux seraient-ils des incapables ?
Son diagnostic est rédhibitoire : l’État n’admet pas que « les élus locaux sont parfaitement capables de servir l’intérêt général ». Si je me souviens bien, il en fut déjà ainsi en 1982 lors de l’adoption de la loi Defferre : les préfets avaient freiné des quatre fers pour conserver leurs prérogatives et qu’elles ne soient pas transférées aux présidents de conseils généraux. Ils ne les ont pas tout à fait perdues. D’autant plus, assure le professeur de droit public à l’Université de Brest, exemples à l’appui, que l’État « ne cesse de réglementer avec d’autant plus de jubilation qu’il n’a plus à en supporter les conséquences financières. »
Parler pour exister ?
L’ancien garde des Sceaux plaide à l’inverse pour qu’il « admette définitivement la logique de subsidiarité » de la commune au département, puis à la région, à la Nation et à l’Europe. Mais qui va l’entendre ?
Sans doute pas l’État, arcbouté sur son exclusivisme. Ni le Parlement, traversé par trop de divisions. Emmanuel Macron en tant que président de la République ? Lui, d’après Jean-Jacques Urvoas, ne fait que « parler pour exister, pérorer pour éviter le procès en immobilisme. » Il ne devrait donc prendre aucune initiative concrètement.
De toute évidence, on n’est pas près d’aller au-delà des mots sur ces questions de décentralisation. En sera-t-il de même pour ce qui est de l’autonomie que réclament désormais plusieurs régions ? On n’a pas fini de galérer.
Pour en savoir plus : lire la tribune de Jean-Jacques Urvoas dans Le Télégramme