Portrait d'un alerte chanteur-compositeur octogénaire en pays vannetais
Si vous lisez le breton, vous vous devez de lire l'article que consacre Dewi Siberil à Jo Sergent ce jeudi, dans la page en breton du Télégramme. Ce n'est pas le plus connu des chanteurs bretons, mais c'est un vrai chanteur populaire. Je l'ai croisé plusieurs fois, mais ce que je ne savais pas, c'est qu'il est né à Étampes, dans le département de l'Essone, au sud de Paris par conséquent, en 1936. C'est là, dans la Beauce, qu'avaient migré ses parents, partis de Basse-Bretagne pour y trouver du travail.
Survient la guerre, son père est fait prisonnier et transféré en Allemagne. Lui se retrouve chez ses grands-parents à Saint-Barthélémy [Bertelame, en breton], une commune rurale de près de 2 000 habitants à l'époque, à quelques kilomètres de Baud. Une commune bretonnante aussi : en 1924, les enfants y suivaient presque tous le catéchisme en breton. Devait arriver ce qui arriva : un de ses petits voisins ne parlait que le breton, et c'est comme ça qu'il l'a appris, en immersion en quelque sorte.
Au sortir de la guerre, Jo Le Sergent repart en Beauce comme ouvrier agricole pour la moisson et la récolte des betteraves. Quand il a vingt ans, il doit rejoindre le contingent français en Algérie, d'où il a failli ne pas revenir vivant. Une fois démobilisé, il s'installe sur une petite exploitation à Pluméliau en pays vannetais et se met à chanter lors des filaj et des festou-noz. Mais Jo n'est pas qu'un interprète : il est également compositeur.
Jo Sergent a composé sa chanson sur la guerre d'Algérie en travaillant son champ !
En 1995, il s'en souvient bien, il a notamment composé "En Aljeri" [En Algérie], une très belle et émouvante chanson sur la guerre d'Algérie, entièrement en breton. Et il l'a composée à l'ancienne, en une heure, raconte-t-il à Dewi Siberil, en travaillant son champ. Sans papier, sans crayon, et sans magnétophone.
Cette chanson a contribué à sa notoriété en pays vannetais surtout, mais la troupe Ar Vro Bagan l'avait incorporée (si je puis dire) dans une des ses créations théâtrales sur le thème de la guerre. Il l'a interprétée, sous la forme d'une lancinante gwerz des temps présents, lors de la 30e édition du Kan ar Bobl à Pontivy, en 2003, si je ne me trompe pas. C'est à cette occasion que nous avions eu l'occasion de l'enregistrer pour le compte des émissions en langue bretonne de France 3.
D'autres captations de "En Aljeri" sont disponibles, notamment sur un double CD de "Tri pichon noz" [Trois oiseaux de nuit] paru dans la collection des Voix de Bretagne chez Coop Breizh, sur lequel Jo Sergent se trouve en compagnie de Samuel Le Henanff et de Marcel Jaffre. Il interpète en outre un autre air de sa compositioin, "E borh Melrand h ès ur verh iouank" [Au bourg de Mlerand il est une jeune fille], dont l'inspiration est plus traditionnelle.
Le site Dastumedia propose également des enregistrements et des entretiens avec Jo Sergent, accessibles sur inscription. D'ailleurs, Dastum ne le présente que comme interpète : il serait bien de le créditer d'être aussi un auteur et compositeur. Car il fait honneur à la langue bretonne.
Lire l'article de Dewi Siberil (qui n'est pas rédigé en vannetais !) en ligne sur le site du Télégramme.