La culture bretonne et les jeunes
L'invité de Bali Breizh, ce dimanche, était un jeune et qui se présente comme tel. Ifig Calvez baigne depuis déjà longtemps dans la culture bretonne, puisqu'une archive le montre dans une danse "round" du pays pagan alors qu'il n'avait que six ans. Il s'exprime aisément en breton, qu'il a appris au cours d'un stage de quelques mois à Stumdi, avant d'obtenir sa licence en tant qu'étudiant non assidu à Rennes 2.
Pourquoi, non assidu ? Il avait à peine terminé un stage d'une semaine à Arvorig FM que la radio landernéenne lui proposait d'animer une émission quotidienne. Ce qu'il fait en binôme avec Karolina Rufflé, en milieu d'après-midi. Ce n'est pas tout, car Ifig est également président de Dastum Bro-Leon, et il s'investit pour le festival "Kan al leon". Comme les lions ne chantent pas encore, je subodore là un jeu de mot entre la dénomination de l'ancien évêché de Léon et l'appellation du lion en breton.
Sur France 3 Bretagne, Ifig Calvez avait face à lui pas moins de quatre interviewers, ce qui ne l'a pas stressé le moins du monde. L'interview, à vrai dire, était tout à fait consensuelle. Même le chroniqueur perfide qui intervient toutes les semaines en cours d'émission n'a pas trouvé le moyen de lui poser la moindre question dérangeante. L'échange, décontracté, n'en était pas moins sympathique
Mais… Bali Breizh fait l'impasse
J'ai quand même été surpris, non pas par ce qui a été dit, mais par ce qui ne l'a pas été. Il a été forcément question de collectage et du répertoire chanté en pays de Léon. Puisque le collectage est considéré comme achevé, le projet culturel ne viserait désormais qu'à le mettre à disposition, à partir des enregistrements qui ont été réalisés.
Mais faut-il considérer les enregistrements sonores comme la seule source d'inspiration pour des interprétations contemporaines ? Faut-il continuer à considérer le Léon sur la base du cliché qui voudrait qu'il ait toujours été un pays pauvre en chansons ? Or, ni aucun des quatre interviewers ni leur invité n'ont pipé mot du "Barzaz Bro-Leon". J'ai du mal à croire qu'ils n'en ont jamais entendu parler. Ce "Barzaz" est le grand projet qu'a lancé Jean-Marie Perrot en 1906, en vue de constituer pour le Léon précisément un recueil de chants et chansons sur le modèle du "Barzaz Breiz".
La parution du "Barzaz Bro-Leon" en 2012 représente un événement éditorial majeur, car elle renouvelle en profondeur notre connaissance des traditions chantées de Bretagne et met en évidence une bien plus grande richesse du répertoire léonard qu'on ne le croit généralement. Eva Guillorel, en éditant le premier volume de cette expérience inédite de collecte en Bretagne, le présente comme un renversement de perspectives, puisque ce sont les chanteurs eux-mêmes qui ont transmis les textes de leur répertoire à l'abbé Perrot. Je trouve dommage que "Bali Breizh" ait fait l'impasse, en la circonstance, sur les possibilités de réoralisation du savoir de tradition orale à partir de l'écrit. Ou alors ce ne serait qu'une utopie ? Raison de plus pour en parler !
Pour en savoir plus :
Sur ce blog : un fonds de 1 100 pièces inédites en Léon
Éva Guillorel (édition critique), Barzaz Bro-Leon. Une expérience inédite de collecte en Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes ; Brest, Centre de Recherche Bretonne et Celtique, 2012, 551 p. (Coll. Patrimoine oral de Bretagne).