Le breton chez Larousse : le baragouin s'en est allé
Quelle affaire ! Je vous avais bien dit qu'il serait collector. "Le breton dans votre poche" ne sera pas resté bien longtemps en librairie. Alors qu'il n'y était que depuis le 21 janvier, Le Télégramme annonce ce matin que le dictionnaire vient d'être retiré de la vente. Trois petites semaines, et puis s'en va…
Il suffit de se rendre sur le site de Larousse, à la page sur laquelle il figurait jusqu'à présent : le message qui s'affiche est tout simplement :
- Vous n'êtes pas autorisé(e) à accéder à cette page.
Et de toute évidence, ce n'est pas le travail d'un hacker. En cherchant bien, vous trouverez encore cinq titres de la même collection : le grec ancien, le latin, le chinois, le russe et le japonais. Le breton n'y est plus. Vu le reuz qu'avait suscité le titre "breton", Larousse n'avait plus le choix.
Sur le site du Figaro, Jean-René Bonnissent, présenté comme l'auteur du guide, semble surpris de la polémique : "j'écris dans ce guide comme je parle dans la vie de tous les jours", dit-il. Sans rire. On se demande bien où et comment fait-il pour se débrouiller dans toutes les situations en un breton comme celui-là, et à qui peut-il bien s'adresser. Il ajoute que "ce n'est pas un manuel pédagogique pour les bretonnants [on s'en doutait], mais un petit guide qui s'adresse à des non-initiés" : est-ce à dire, M. Bonnissent, que l'on peut donner à apprendre n'importe quel baragouin sous prétexte de breton ?
Sur le même site, Hervé Sébille-Kernaudour, qui vient d'être promu brittophone de l'année 2015, considère pour sa part que "c'est un scandale absolu de consacrer de l'argent à l'édition et à la diffusion d'un torchon pareil". Soit, mais il ne s'agit pas d'argent public. Avec les moyens dont il dispose, Larousse peut investir comme il veut, publier ce qu'il veut et prendre les risques qu'il veut, même celui d'un breton parfaitement incorrect. Avec "Le breton dans la poche", il a juste pris le risque d'un flop auquel il ne s'attendait sûrement pas, et celui de compromettre (un petit peu) sa réputation. Il devrait s'en remettre.
D'autant qu'il a décidé, c'est fait, de faire appel à l'Oplb - et non pas l'Opab, comme l'écrit à répétition le Télégramme ce matin. Soit donc l'Office public de la langue bretonne. Premiers diagnostics du dit Office : il va falloir presque tout réécrire – on s'en doutait (bis repetita). Et ça va prendre du temps. Tant que ça, vraiment ? Tout dépend jusqu'où devrait aller l'entreprise de rectification. Le "caricourt guétaise" de la page 70 est-il vraiment un plat breton ? Et ne mange-t-on pas autre chose que du "kigafaz" et des "pizerame" en Bretagne ?