Amélioration en vue ?
Comment mieux faire en matière d’enseignement bilingue ? C’est la question que se pose Rémy Guillou, qui vient d'être nommé au grade d'inspecteur d’académie en charge de l'enseignement du breton. Et c'est la question que lui pose Anna Quéré dans le dernier numéro de la revue Brud Nevez. Dans les filières bilingues, ce ne sont ni le budget ni les postes qui font défaut, déclare-t-il d'emblée. Le propos a fait bondir Martial Ménard dans sa chronique de Dimanche Ouest-France, le 2 décembre dernier : "il ne manquera pas de contradicteurs", écrit-il. Pourquoi ne pas débattre en effet, s'il y a lieu ? Mais il ne suffit pas de le faire en une ligne.
Dans cette interview, Rémy Guillou aborde différents sujets sensibles concernant l'enseignement bilingue :
- pourquoi il n'est pas possible d'ouvrir partout des classes bilingues qui fonctionneraient avec de trop faibles effectifs, ce qui ne serait valorisant ni pour le professeur ni pour les élèves concernés
- les différentes raisons pour lesquelles un trop grand nombre d'élèves de CM2 quitte les filières bilingues au moment d'entrer en 6e, et, dit-il, même dans certains collèges Diwan. Ce phénomène se reproduit au moment de l'entrée en 2e.
Quand on lui pose la question de savoir pourquoi l'on manque et pourquoi l'on devrait encore manquer assez longtemps d'enseignants bilingues pour développer beaucoup plus ou pour généraliser l'enseignement bilingue, il répond que les raisons sont multiples et complexes. C'est une question d'image par rapport à la profession et par rapport à celle d'enseignant bilingue singulièrement. Mais, selon R. Guillou, c'est surtout parce que les filières bilingues ne forment pas aujourd'hui suffisamment d'élèves bretonnants pour répondre à la demande. C'est ce que j'avais moi-même analysé comme "la fracture bretonne" dans un certain rapport il n'y a pas si longtemps.
Les chiffres à cet égard sont implacables :
- en 6 ans, ce sont 60 postes de professeur des écoles bilingues qui, d'après l'inspecteur d'académie, n'ont pas été pourvus. Soit par manque de candidats, soit parce qu'ils ne n'ont pas été reçus aux concours.
- Cette année encore, ce sont 16 postes qui n'ont pas trouvé preneur.
La profession ne manque pourtant pas d'attrait, déclare Rémy Guillou. Mais alors que la région Bretagne avait budgété l'attribution de 80 bourses "Skoazell" à la dernière rentrée, il n'en a été attribué que 30, faute de candidats en nombre suffisant. C'est un vrai paradoxe : cette bourse n'a pas d'équivalent en d'autres disciplines. D'un montant de 5 000 € par an sur deux ans, elle est accordée à tout étudiant de master se destinant à l'enseignement bilingue. C'est une vraie question : comment pourrait-on mieux faire ?
Une (petite) amélioration ne serait-elle pas en vue cependant ? Pour les concours de professeur des écoles bilingues qui se déroulent en ce moment, il y a en effet (et pour la première fois depuis longtemps) :
- dans l'enseignement public, 24 admissibles pour 18 postes à pourvoir au concours externe
- et 3 admissibles pour 2 postes à pourvoir au concours interne
- dans l'enseignement privé catholique, les admissibles sont au nombre de 16 pour 10 postes à pourvoir.
Quelques autres infos
- Le prochain CALR (Comité académique pour les langues régionales) pour l'académie de Rennes devrait se réunir le 8 janvier. L'un des sujets qui devrait y être abordé concerne l'évolution de la carte des pôles de l'enseignement bilingue dans le second degré.
- 35 enseignants ont participé fin novembre à deux journées d'études organisées par la FSU sur le thème de l'enseignement des langues régionales. Au programme : état des lieux et débats sur la décentralisation. Le compte rendu en ligne de la FELCO précise que "les collègues bretons nous ont présenté l'exemple idéal de ce qui se fait en la matière chez eux". Document téléchargeable : t_doc_2_20121203114040_2
- L'enseignement privé catholique vient de se doter d'un logo pour mieux identifier ses classes bilingues. C'est l'une des mesures que j'avais préconisées dans le rapport évoqué plus haut. Le graphisme peut y contribuer. Mais il n'est pas sûr que les parents concernés adoptent facilement la dénomination qui a été retenue, ne serait-ce que du point de vue de son énonciation : "Hentaddivyezhek" (pour "filière bilingue"). Aurait pu mieux faire. Et pourquoi donc l'enseignement public n'y songerait pas aussi ?
- Pour en savoir plus et lire l'interview de Rémy Guillou dans la revue Brud Nevez en version papier ou à télécharger, se connecter.