Armor : c'est fini
Le 500e numéro d'"Armor" est en kiosque. Et surprise : c'est aussi le dernier numéro du mensuel qui se présentait comme "le magazine de la Bretagne au présent".
On imagine bien qu'au bout de 42 ans d'existence, la décision a été prise dans la douleur, d'autant que deux salariés, un journaliste et une comptable, perdent leur emploi. "Armor" avait été fondé en 1969 par Yann Poilvet, toujours directeur de la publication. S'il s'arrête, c'est selon la rédactrice en chef, Anne-Edith Poilvet, pour anticiper le dépôt de bilan. Dans son dernier édito, elle avance des raisons liées à la crise de la presse et à la crise tout court. Alors que le tirage s'est élevé jusqu'à 40 000 exemplaires, elle fait état de l'érosion de la publicité et des ventes, de la concurrence d'internet… Elle mentionne également les dégâts occasionnés dans ses bureaux de Lamballe lors des inondations de 2010. On peut sans doute y ajouter la concurrence de plusieurs autres titres qui sont désormais publiés chaque mois sur le même créneau "Bretagne".
"Armor" se voulait "au service de la Bretagne". Et se prévaut d'avoir "défendu toutes les idées, qu'elles soient de gauche ou de droite, quand elles allaient dans le sens de la Bretagne." Dans cet esprit, le n° 500 donne la parole à une dizaine de patrons bretons et leur pose la question "quels enjeux pour la Bretagne ?". Les réponses sont intéressantes, un peu convenues quand même : les Bretons sont travailleurs, rudes, motivés, bien formés, volontaires, etc. Avec bon sens, "Armor" observe qu’étonnamment, aucun de ses interlocuteurs n'a posé la langue bretonne comme enjeu pour la région. Est-ce à dire que la connexion si souvent vantée entre culture et économie a des limites ?
Le n° 500 interroge de la même manière quelques jeunes, juste avant que la région s'apprête à adopter au cours de sa prochaine session une politique de la jeunesse, présentée ici comme "la première énergie 'renouvelable' de la Bretagne". Ces jeunes sont déjà tous engagés et affirment leur fierté d'être Bretons. Ils ne paraissent pas blasés, sont parfois critiques, font de la prospective… L'un d'entre eux évoque la création d'un parlement régional comme étant "une aspiration de la jeunesse".
"Armor" avait entièrement revu sa maquette il y a quelques temps. Il ne coûtait que 3,82 € par mois à ses abonnés. Mais il n'y en avait plus assez, pas assez de ventes en kiosque, pas assez de publicité. Le magazine cesse donc de paraître. Aux yeux du comité éditorial ce n'est pourtant pas un échec, car la Bretagne se porte mieux aujourd'hui qu'il y a 40 ans. L'aventure va se poursuivre un moment sur internet.
Le magazine prenait toujours position en faveur de la langue bretonne. Bizarrement, il a longtemps cherché quelqu'un pour y écrire en breton. J'ai toujours trouvé cela très étonnant. En concertation avec Anne-Edith Poilvet, j'ai pu y publier un papier chaque mois depuis près de deux ans sur les sujets les plus divers. Pour moi aussi, "Armor" c'est donc fini. Que dirais-je de plus, si ce n'est que les 500 numéros du magazine méritent de devenir maintenant un sujet de recherche pour étudiants de master ou doctorants.
Le site d'Armor : www.armor-magazine.com