Les propositions que je fais pour l'enseignement du et en breton
Le rapport que j'ai rédigé sur "L'enseignement du en breton" continue à susciter l'intérêt et à retenir l'attention des médias. Un premier débat doit avoir lieu mercredi prochain le 16 février à Cavan. Un autre devrait avoir lieu à Brest.
Bien sûr, on me parle toujours de certaines des réactions qu'il a suscitées avant même qu'il ait été rendu public. Alors que ce n'est qu'une parmi les 60 mesures que je propose en faveur de l'enseignement du breton, il y en a qui focalisent sur la question de l'orthographe : c'est leur choix. La dissertation du professeur Mark Kerrain (par ailleurs auteur, traducteur, éditeur, responsable d'association…) apparaît à cet égard comme un méli-mélo qui n'est même pas rigolo tellement il est caricatural : ce ne sont que des amalgames invraisemblables et des insinuations abracadabrantes. C'est une façon de nier un problème, ce n'est évidemment pas la bonne méthode pour le régler. L'intégrisme breton ça existe aussi, j'en ai bien l'impression. Fort heureusement, nombreux sont ceux qui s'en démarquent. De toute manière, il suffit de se reporter à ce que j'ai réellement écrit dans le rapport pour percevoir aisément la différence.
J'ai déjà posté sur ce blog quelques éléments de l'état des lieux qui figure dans le rapport (voir message du 28 janvier). Comme le livre est désormais disponible en librairie in-extenso, tout le monde peut en prendre connaissance. Mais je voudrais quand même présenter ici les propositions que je fais pour une relance de l'enseignement du breton et de l'enseignement en breton. Il y a dans le rapport une série de 12 préconisations, qui se déclinent en plus de 60 mesures concrètes qu'il faudrait mettre en œuvre pour créer une nouvelle dynamique en faveur de l'enseignement du breton. Je ne peux pas détailler ici l'ensemble de ces mesures, d'autant plus qu'il y en a qui sont plus techniques. Mais en voici quelques-unes.
Pour redynamiser l’enseignement du breton
- Densifier les classes bilingues en maternelle et en primaire reste un objectif incontournable si l'on veut que plus d'enfants apprennent le breton à l'école. L’ouverture de nouvelles classes bilingues en primaire devrait être étudiée en toute priorité dans les secteurs où le collège pôle n’est pas entouré de suffisamment d’écoles ou de classes primaires bilingues. Toute nouvelle ouverture devrait être précédée d'une étude de faisabilité. Diwan souhaite pouvoir ouvrir une nouvelle école en tant qu'école-annexe d'une école déjà existante : cela doit pouvoir être envisagé si une coordination interréseaux se met en place selon les termes de la convention additionnelle au Contrat de Projets Etat-Région.
- Consolider le bilingue dans le secondaire. La consolidation des sites existants doit être considérée comme un objectif absolument prioritaire. Il ne suffit pas de considérer que le 2nd degré est le prolongement naturel du primaire : un travail de fond doit être engagé pour renforcer l'attractivité du bilinguisme dans le secondaire. Il faut simultanément renforcer la parité horaire.
- Valoriser le breton optionnel dans le secondaire. Puisque l'option de breton sait attirer des élèves en 6e, il ne faut pas qu'il en perde ensuite. Il faut donc cibler les élèves à chaque palier important et les intéresser aux différents choix qui leur sont proposés. Une campagne d'information dynamique doit être mise en œuvre pour les motiver.
- Imaginer une nouvelle offre d'enseignement du breton. Puisque le tiers des effectifs de CM2 bilingue ne continue pas en bilingue au moment de l'entrée en 6e, il faudrait tester l'ouverture de classes anglais-breton selon la formule "bilangues", en particulier sur des sites distants des collèges pôles bilingues.
- Mieux informer les parents et les élèves. En primaire, les parents se posent de plus en plus de questions au fur et à mesure que leur enfant progresse vers le CM2 : il serait judicieux de leur remettre dans chaque cycle le livret du parent d'élève bilingue. Il faut par ailleurs renforcer l'attractivité du secondaire bilingue et pour cela personnaliser l'accueil des élèves bilingues au collège : qu'ils puissent bénéficier d'un "pass brezoneg" à la fois ludique et utile, qu'il serait séduisant de découvrir et qui resterait pour eux un outil de référence à consulter.
- Les enseignants bilingues se plaignent d'avoir beaucoup de travail de préparation et de devoir traduire leurs cours. Il faut optimiser le fonctionnement de TES, réduire les délais de publication de manuels et augmenter la capacité de production. Il faut par ailleurs développer les sites collaboratifs dans le secondaire et surtout en primaire.
- Il manque une radio "jeunes" en breton, m'a-t-on dit. Pourquoi ne pas lancer une web-radio en breton spécialement à leur intention, avec l'aide d'une radio existante ? 85 % des lycéens de Diwan utilisent déjà internet. Diverses initiatives peuvent être mises en œuvre par ailleurs pour enclencher une dynamique autour de l'enseignement en breton, autour de la classe et à l'extérieur de l'école, autour de la lecture par exemple ou pour organiser des activités le mercredi ou le week-end. Pourquoi pas des équipes de joueurs de football ou de basket bretonnants ?
- Le manque d'enseignants de breton peut conduire à une spirale infernale. Il y a donc lieu de promouvoir beaucoup plus qu'on ne le fait les métiers de l'enseignement du et en breton. La bourse "Skoazell" attribuée par la Région Bretagne joue déjà un rôle d'incitation. Il convient de mieux informer sur tout ce qui fait l'attractivité de ces métiers, tout en décrivant le mode d'emploi pour y parvenir.
- Le breton enfin ne doit surtout pas être uniquement la langue de la classe ni une matière d'enseignement. Il doit aussi être la langue de la proximité, de la convivialité et celle du cœur. De plus, si l'on veut rendre le breton attractif pour les collégiens, lycéens et étudiants, pour les jeunes parents qui vont scolariser leurs enfants, il faut paradoxalement commencer par en convaincre la société bretonne dans son ensemble. Il faut pour cela augmenter la visibilité du breton et valoriser les locuteurs. Il y a déjà la Breizh Touch, la Fête de la Bretagne, Produit en Bretagne, la nouvelle marque Bretagne… Mais on ne fait rien d'équivalent pour le breton. Pourquoi ne pas organiser chaque année à une date appropriée une grande quinzaine de la langue bretonne ?
Agenda
Lundi 14 février : une émission d'une heure sera diffusée dans la matinée sur Radio-Kreiz-Breizh et sur Radio-Kerne, et ultérieurement sur Radio-Bro-Gwened, dans le cadre d'une interview réalisée par Jean-Pierre Guyader.
Mercredi 16 février, à 20 heures 30 : conférence-débat à Ti ar vro, à Cavan : Quelle relance pour l'enseignement breton ?
Revue de presse
J’ai également été interviewé sur Radio-Rivages par Christophe Pluchon et sur Tébéo par Erwan Loussot dans le cadre de l'émission "La complète".
L'AFP a diffusé dès le 25 janvier une dépêche qui écrit notamment : Une meilleure visibilité pour la langue bretonne dont l'image doit être rajeunie : telles sont les principales recommandations d'une enquête sur "l'enseignement du et en breton" réalisée à la demande du rectorat de l'académie de Rennes […]. Parmi une série de recommandations, le rapporteur, parfaitement bilingue et auteur de nombreuses études sur la question, a insisté sur la nécessité d'une "offre mieux adaptée" en matière d'enseignement et d'"une promotion conséquente de la langue bretonne dans la vie quotidienne".
Le quotidien corse 24 Ore, a consacré toute sa dernière page le 27 janvier, sous la signature de Mickaël Penverne, à une présentation du rapport : Fanch Broudic, militant de la langue bretonne, vient de rendre un rapport sur l'enseignement du breton […]. Selon Broudic, tout est encore possible. Encore faut-il… le vouloir. Il rapporte également les propos du Recteur d'Académie, Alain Miossec : "nous n'allons pas enterrer ce rapport."
AEF-Info (Agence d'informations spécialisées) a publié le 1er février sous la signature de Diane Scherer une longue dépêche détaillant "Les 12 préconisations de Fanch Broudic pour une relance de l'enseignement du breton et en breton."
L'agence Reuters a diffusé le 3 février une dépêche de Pierre-Henri Allain, intitulée "La langue bretonne sous perfusion", dans laquelle il écrit : "On se trouve en face d'une situation paradoxale où, après avoir été longtemps interdit à l'école, seul l'enseignement du breton peut le sauver", remarque Fanch Broudic, qui a rendu public la semaine dernière un rapport sur cet enseignement. Les difficultés actuelles de la langue bretonne découlent, il est vrai, d'une histoire mouvementée." La dépêche rapport les propos d'un jeune qui enseigne l'éducation musicale en breton dans deux collèges, à Lannion et Guingamp : "Aujourd'hui encore, beaucoup de gens ne savent pas que cette langue est enseignée ou se demandent à quoi elle peut servir", estime Gwendal Le Braz. "Mais une langue n'a pas à servir à quelque chose, c'est d'abord une richesse qui donne les capacités de voir le monde avec un autre regard".
Réactions
Marylise Lebranchu, députée du Finistère (PS), a publié le 27 janvier, un communiqué dans lequel elle écrit : Fanch Broudic, journaliste et spécialiste de la langue bretonne, a rendu son rapport dans lequel il tire un diagnostic mitigé de l’enseignement du breton sur notre territoire et apporte ses solutions pour lui donner un nouvel élan. Je partage le constat d’urgence dressé par Fanch Broudic et souhaite une politique forte d’incitation à l’enseignement du Breton dans nos écoles.
Françoise Louarn, conseillère régionale d'opposition (groupe "Breizh da zont", UMP) a diffusé le 2 février le texte de son intervention lors de la dernière session du Conseil Régional : Le rapport Broudic est un remarquable travail sans concession. Il est plein d'enseignements et de préconisations. Il fait le bon constat, pose les bonnes questions et donne des solutions.