TV : une série fiction en breton
La rentrée des émissions en langue bretonne sur France 3 Bretagne a été marquée par un départ (momentané) et l'arrivée de nouvelles têtes à l'antenne. Goulwena an Henaff s'est en effet absentée du petit écran pour cause de maternité. Il a fallu recruter deux nouveaux présentateurs pour la remplacer. C'est Yann-Herle Gourves, déjà connu dans le petit monde de l'audiovisuel de langue bretonne, qui officie dans "Te ha me", avec une petite touche d'innovation : ses interviews de jeunes bretonnants sont maintenant illustrées de quelques images de leur environnement.
Et c'est Patricia Le Grand qui anime l'émission jeunesse "Mouchig-dall" en compagnie de l'imperturbable Riwal Kermarrec. L'émission est toujours diffusée le mercredi matin et coproduite avec beaucoup d'entrain par la société rennaise JPL Films. De nouveaux dessins animés figurent au programme de Mouchig-dall depuis la reprise : sur le monde subaquatique, sur les légumes du potager, mais aussi une production originale sur les comptines bretonnes.
Une histoire de Bretagne qui décoiffe
"Red an amzer" reste le rendez-vous majeur en langue bretonne sur France 3, le dimanche à 11 heures 30. Bernez Rouz a concocté pour quatre mois, c'est-à-dire jusqu'à Noël, un programme tout orienté vers l'histoire. On a déjà pu voir en septembre un double 26' de Mathieu Herry et Roland Michon sur les années 70 en Bretagne, dont l'intérêt était bien évidemment constitué des images d'archives de l'INA.
Mais ce qui est présenté comme l'événement de la rentrée c'est la diffusion à compter de ce week-end d'un feuilleton historique intitulé "Istoriou Breizh" (Histoires de Bretagne). Ce sera, nous dit-on, la série fiction qui décoiffe l'histoire de Bretagne. Il y en aura en tout 10 épisodes, dont la réalisation a été confiée au québécois Luc David, dans le cadre d'une coproduction entre France 3 et Pois Chiche Films.
Dans le dernier numéro de la revue Brud Nevez, Bernez Rouz explique qu'il a fallu recruter 25 comédiens pour mener à bien le projet, certains ayant déjà tourné pour la télévision, d'autres non. Les rôles principaux sont ceux d'une étudiante en histoire, tenu par Tifenn Linéatte, et de son grand-oncle érudit, joué par Guy Moign. La série explore les mythes et réalités de l'histoire bretonne, et ce, nous dit-on aussi, avec une bonne dose d'humour. Toujours est-il qu'à l'antenne, la diffusion de ce feuilleton va bénéficier d'un décryptage et d'un contrepoint sans doute utile, avec le concours de l'excellent historien bretonnant Louis Elegoet.
Je n'ai pas assisté à l'avant-première qui a eu lieu récemment à Plougastel-Daoulas. Mais "Istoriou Breizh" commence déjà à susciter un peu de buzz sur internet. Frank Bodenes en traite par exemple sur son tout nouveau blog et se pose bien des questions : sur le travail des acteurs et leur diction, sur la genèse du projet : "dialogues conçus en français et traduits en breton, of course…"
Question de survie
L'initiative a bénéficié d'une couverture presse rarissime pour des programmes en breton de la télévision, y compris dans la presse média et… jusque dans la presse canadienne. Même Le Nouvel Observateur en a parlé. On lit donc un peu partout le verdict du producteur de la série, Olivier Roncin : "la survie du breton sera audiovisuelle ou ne sera pas." Ce propos définitif a toute l'apparence d'une évidence. Je ne sais si c'est l'avis d'un expert en audiovisuel ou d'un expert de longue date en langue bretonne. C'est très sympathique en tout cas de la part du PDG d'une société de production installée à Nantes. Mais une fois qu'on a dit ça, qu'est-ce qu'il se passe ? On peut aussi se demander ce qui s'est passé avant. Comment donc l'actuel président de Pois Chiche Films a-t-il pu être si discret sur le sujet à l'époque où son nom figurait aux échelons supérieurs dans l'organigramme de France 3 ?
Je lis aussi dans la presse que, pour le producteur, "le choix des acteurs a davantage été guidé par la justesse du jeu que par la qualité du breton parlé." Curieuse dichotomie. Est-ce pour se prémunir à l'avance de critiques pressenties sur un point sensible, forcément ? On peut se demander s'il n'aurait pas été pertinent de prendre en compte les deux critères simultanément. Il paraît qu'il a fallu également "conseiller" le réalisateur, puisqu'il ne comprenait pas… ce que disaient ses comédiens ! Il a donc travaillé "sur le ton plus que sur les mots" (sic) et c'est un traducteur qui lui indiquait "sur quel mot appuyer pour donner l'émotion et corriger le tir au besoin." Ce n'est pas tout, car d'après le producteur lui-même, les comédiens ont eu bien du mal à se mettre en bouche le texte en breton tel qu'il avait été initialement établi par le préposé à la traduction des dialogues.
Mais n'anticipons pas sur le résultat. Tout ça est à vérifier à la diffusion. Il va falloir le voir pour le savoir. Comment on le dit en breton, "sant Tomaz na gredas nemed pa welas." De la fiction en breton, c'est un véritable enjeu. Ce sera donc dès dimanche, et pendant 9 semaines à suivre. Sur France 3, bien sûr.
Pour en savoir plus :
Le site de Red an amzer sur France 3 : http://ouest.france3.fr/emissions/red-an-amzer-2367205.html
L'interview de Bernez Rouz dans Brud Nevez.
Le blog de Frank Bodénes : http://envazao.over-blog.com/article-istoriou-breizh-autres-temps-en-bretagne-58001766.html