Un dossier "langue bretonne" dans Langues et cité
Vous ne connaissez pas Langues et cité ? C'est le bulletin que publie quatre fois par an l'Observatoire des pratiques linguistiques sous l'égide de la DGLFLF, c'est-à-dire la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Dans chaque livraison, un dossier s'intéresse à une langue ou à un groupe de langues parlées en France (par exemple, l'arabe, l'occitan, l'arménien, les créoles, la langue des signes…) ou à une problématique spécifique (langues en contact, plurilinguisme et migrations, rectifications orthographiques…).
Et c'est ainsi que Langues et cité consacre le dossier de son n° 17, qui vient de paraître, au breton. Les responsables du bulletin définissent l'enjeu dès les premières lignes : "dans une perspective d'observation des pratiques langagières, le cas du breton apparaît comme emblématique de la situation des langues en danger dans les sociétés européennes". Onze contributions au total ont été réunies pour ce numéro.
Erwan Le Pipec, qui a soutenu sa thèse il y a peu, analyse ainsi le rapport dynamique entre breton et français, à partir de l'exemple de la commune de Malguénac. Son article est en réalité la chronique d'une brutale substitution linguistique, puisqu'on est passé, dans cette commune du Morbihan et selon ses observations, de 80 % de locuteurs actifs pour une classe d'âges à presque zéro en vingt ans seulement.
Le breton est-il dès lors une langue menacée ? Ou ne devient-il pas, de fait, une langue officialisée ? J'analyse pour ma part le double discours dont il est l'objet : alors qu'on redoute sa disparition imminente, il bénéficie désormais d'un statut explicite qu'il n'avait jamais eu jusqu'à présent.
Ronan Calvez s'interroge aussi sur ce qu'il définit comme le paradoxe breton : "les institutions diffusent une forme de breton qui n'est pas compréhensible par l'immense majorité des locuteurs." Cette contradiction lui paraît à la fois logique et marquer durablement le paysage sociolinguistique breton.
Nelly Blanchard fait état de la dynamique de la recherche concernant la langue et la littérature bretonnes, en détaillant pour ceux qui ne le soupçonnent peut-être même pas les axes de travail et les nouveaux domaines qu'explorent les enseignants et chercheurs du CRBC.
Cinq articles font le point sur différents "chantiers" auxquels est confrontée la langue : les nouvelles technologies (Philippe Jacq), l'emploi (Meriadeg Vallerie), l'enseignement bilingue (Paul Molac), les actions en direction de la petite enfance (Gregor Mazo) et des personnes âgées (Dr Catherine Rannou-Postic).
Deux articles enfin abordent l'expression culturelle de langue bretonne. Avec humour, Francis Favereau se demande ce qui peut bien se passer "quand le breton se met au roman" et décrypte les novations apparues dans la production romancière de ces dernières années. Marthe Vassallo, quant à elle, dit (presque) tout sur sa "vie multiple" : elle défend plusieurs musiques et s'exprime en plusieurs langues, avec plus que jamais, dit-elle, l'envie de défendre le chant traditionnel "brut".
En une douzaine de pages, ce dossier de Langues et cité, dont j'ai assuré la coordination en lien avec Jean Sibille, ne pouvait traiter de toutes les questions ni de tous les enjeux relatifs au breton. Mais il propose, je crois, une bonne synthèse à partir de l'approche multiple des universitaires et des acteurs de terrain qui y ont contribué.
On peut obtenir la version papier du n° 17 de Langues et cité, par simple demande auprès de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, Observatoire des pratiques linguistiques, 6 rue des Pyramides, 75001 Paris. Ou, par courriel.
Le dossier est également téléchargeable à l'adresse : http://www.dglf.culture.gouv.fr/Langues_et_cite/LC17_Breton.pdf