Inattendu : l’artichaut de Bretagne dans une pub d’Amazon
Elle ne vous a sans doute pas échappé puisqu’elle paraît en pages entières dans nos quotidiens régionaux et nationaux. Il est tout de même curieux qu’une des sociétés les plus puissantes au monde et l’une des plus grandes capitalisations boursières du moment aie tout à coup besoin de jouer à ce point sur une image de proximité.
Le choix d’Amazon de mettre la Provence et la Bretagne en avant dans sa pub est assez emblématique. La première est citée pour ses parfums et la seconde pour ses saveurs. La Provence est symbolisée par un savon de lavande et la Bretagne par un artichaut. C’est ainsi que le groupe américain se représente l’une et l’autre région.
Est-ce à dire que ces produits sont parfaitement représentatifs de leur identité ? Dans une certaine mesure, oui. Mais personne en Bretagne ni aucun office de tourisme n’avait jamais pensé utiliser l’image d’un produit aussi simple que l’artichaut, un produit non élaboré de surcroît, pour en assurer la promotion.
En matière d’artichauts : faire la différence !
La promotion de quoi, au fait ? Pas de l’artichaut en tout cas, puisqu’il n’y en a pas à vendre sur le site d’Amazon, je l’ai vérifié. En plus, si on regarde bien la photo de l’artichaut, c’est un violet. On en cultive certes en Bretagne et plus précisément dans le Léon, ainsi que du petit violet, mais pas depuis bien longtemps.
La variété historique, c’est le camus, la plus cultivée aussi ! On peut y ajouter son cousin, le castel, plus récent, plus charnu et plus rond : voyez sur la photo ceux qu’on trouve en ce moment Chez Josette, magasin de fruits et légumes à Plouarzel, Finistère nord. Ce n’est pas le même artichaut ! Amazon ne s’embarrasse pas de telles subtilités.
Personne ne se plaint pourtant qu’il fasse ainsi la promotion de la Bretagne et d'un légume qu'il ne vend pas encore : ni les élus, ni les professionnels du tourisme, ni les producteurs d’artichauts, personne ne commente. Si le géant américain du commerce en ligne l’a fait, ce n'est pas de la générosité, c’est qu’il y trouve son compte et qu’il y voit un intérêt pour son image. Il fournit lui-même la clé de compréhension de sa démarche en se targuant de vendre les meilleurs produits français issus de milliers de petites et moyennes entreprises françaises. Vu comme ça, le discours paraît séduisant. À voir.
Consommer local ? Le paradoxe du moment
Tout le monde a pensé qu’à l’occasion de la pandémie nous avons appris à consommer local et que nous allons continuer à le faire, c’est ce qu’on entend sur tous les tons depuis l’annonce du déconfinement. Est-ce si sûr ? Les plus grandes sociétés sont parfaitement réactives, y compris déjà sur ce créneau-là. Il ne va pas être si facile de les contourner !
Amazon a connu quelques déboires pendant le confinement, et il a bien fallu qu’en France elle ferme ses entrepôts pour se conformer aux décisions de justice. Cela ne l’a pas empêché de continuer à commercer à partir de pays voisins. C’est l’un des paradoxes du moment : les restaurants et les commerces considérés comme n’étant pas de première nécessité ont dû rester fermés pendant près de trois mois. Pendant ce temps-là, le chiffre d’affaires du commerce en ligne tout comme celui des supermarchés n’a fait que progresser. Mais sous prétexte de protéger notre santé, et c’était une raison valable, on a concrètement favorisé l’essor d’un certain capitalisme commercial.
L'économiste Daniel Cohen explique que la tendance va être à la relocalisation. Il dit aussi que, par ailleurs, Amazon et Netflix sont les grands gagnants du confinement. Si demain, dans six mpois, dans deux ans, Amazon se décide à vendre de l'artichaut breton, ira-t-on toujours au marché local ou même dans le supermarché du coin pour en acheter ? En plus, il serait capable de le proposer avec son sachet de vinaigrette, comme la dose de soja pour les plats chinois. À moins que la SICA de Saint-Pol-de-Léon n'en prenne l'initiative d'ici là…