Après être revenu à Groix, le linguiste Elmar Ternes voulait aussi revoir Brest
Il est le dernier à avoir enseigné la phonétique à l'université de Hambourg, dans le nord-est de l'Allemagne : la discipline n'attire plus guère les étudiants ni là-bas ni par ici. Lui avait suivi un cursus de linguistique à Sarrebruck, dont il était originaire. Quand il lui a fallu choisir un sujet de thèse, il a souhaité travailler sur une langue peu connue plutôt que sur une "grande" langue. En se penchant sur une carte de l'Europe, il s'est rendu compte que la Bretagne n'était finalement pas si loin de chez lui et qu'il lui suffisait de traverser la France pour entamer l'étude du breton.
"Il n'y avait que des baraques"
Il arrive donc à Brest à la rentrée universitaire 1965 et suit les cours du professeur Pierre Trépos dans ce qui n'était pas encore la Faculté des lettres, mais un simple collège littéraire universitaire (CLU) dépendant de l'université de Rennes.
Comme j'étais moi-même étudiant à Brest, en histoire et en celtique, c'est à ce moment-là que j'ai fait la connaissance d'Elmar Ternes : ce n'est pas surprenant, car il y avait alors bien moins d'étudiants à Brest qu'aujourd'hui. Il raconte dans Le Télégramme d'aujourd'hui (édition de Brest) sa surprise de découvrir qu'il "n'y avait pas de bâtiment en dur, il n'y avait que des baraques" ! Je me souviens très bien de l'amphithéâtre en bois, où j'ai eu l'occasion faire venir le journaliste et écrivain Xavier Grall, entre autres, pour une conférence. Hasard de l'histoire ou non, ces baraques, avenue Foch, se trouvaient à l'emplacement exact de l'actuelle Faculté Victor Ségalen.
À Brest et dans les environs, tous ceux qui s'intéressaient alors peu ou prou au breton se connaissaient. C'est ainsi qu'Elmar Ternes a fait la connaissance d'Alan J. Raude qui, outre le fait de se passionner pour le breton et encore plus pour le vannetais, était germanophone. C'est lui qui l'a convaincu de se rendre à Groix, dont sa famille était originaire, pour les besoins de sa thèse. Sans cela, qui sait si quelqu'un d'autre aurait effectué une telle recherche sur le dialecte occidental du breton de l'île de Groix tant qu'on pouvait y repérer des locuteurs et des locutrices ayant la maîtrise de la langue ?
La dynamique du Centre de recherche bretonne et celtique
Cinquante-trois ans plus tard, Elmar Ternes est donc revenu à Brest, se promettant de visiter la ville pour se faire une idée des changements qui y sont intervenus depuis son premier séjour et… de prendre le téléphérique. Ronan Calvez l'a accueilli à la Faculté des lettres et lui a fait visiter les locaux du Centre de recherche bretonne et celtique, et plus particulièrement la bibliothèque.
Le professeur émérite de l'université de Hambourg a été tout à fait impressionné d'observer le développement de ce qui est aujourd'hui l'Université de Bretagne occidentale. Il a pu découvrir l'importance des fonds documentaires qui ont été rassemblés par le CRBC, qui va fêter l'an prochain son cinquantième anniversaire : une bibliothèque de 60 000 ouvrages et 2 000 périodiques anciens et vivants, accessible à tous, sans parler des archives sonores.
Alors qu'il n'y avait qu'un seul enseignant-chercheur en breton-celtique à Brest en 1965, Elmar Ternes a pu réaliser combien les recherches sur la matière bretonne et celtique, toutes disciplines confondues, ont progressé à Brest en un demi-siècle. Il a pu notamment échanger avec Daniel Le Bris, maître de conférences à l'UBO, qui contribue à l'atlas maritime des côtes de la Manche et de l'Atlantique. Il va sans dire que les enregistrements collectés par Elmar Ternes à l'île de Groix à la fin des années 1960 l'intéressent au plus haut point.