Martial Ménard, lexicographe engagé
C'est le 25 octobre 2015 que j'ai pris cette photo lors du Festival du livre de Carhaix. Alors qu'une cinquantaine de personnes avaient suivi la table ronde précédente sur l'avenir du breton, l'assistance était beaucoup plus clairsemée lorsque Martial Ménard avait entrepris de présenter pour la première fois au public son projet de dictionnaire diachronique du breton en ligne, désormais connu sous le nom Devri. C'est – possiblement – la seule qui pourrait en attester : de fait, aucun média n'avait alors fait écho à cette présentation.
Il m'avait ce jour-là précisé qu'il avait mené seul ce projet de bout en bout, avec le concours d'un informaticien, sans aucune aide publique. Il est vrai qu'il avait été quelque peu échaudé par les polémiques à retardement qui avaient suivi la parution de la première édition du dictionnaire unilingue d'An Here en 1995 : divers exemples cités dans ce "Geriadur brezhoneg" et considérés comme litigieux en raison de leur connotation avaient alors fait l'objet de contestation et de questionnements.
Un géant, un monument
La tonalité a été bien différente ces jours-ci dès qu'a été connue la nouvelle de son décès. Si Le Télégramme a plutôt fait dans la sobriété, Ouest-France, dont Martial Ménard était le chroniqueur "langue bretonne" attitré depuis 1998, a donné le ton par un article de son rédacteur en chef départemental, Christian Gouérou, le présentant comme "un monument" et "un géant de la langue bretonne". Pour France 3 Bretagne, il a été "l'une des grandes figures de la langue bretonne" et un "militant acharné" pour Annaig Haute, à France Bleu Breizh-Izel.
Si tous ces articles et témoignages n'éludent ni les années FLB ni les engagements constants de Martial Ménard, ce sont ses travaux de lexicographie qu'évoquent essentiellement la presse écrite comme les sites d'information en ligne. Les qualificatifs sont admiratifs et convergents :
- Un des meilleurs spécialistes du breton
- Une énorme base de données
- Il y travaillait depuis 37 ans !
- Un travail de bénédictin
- Un travail colossal
- Une somme inégalée sur la langue bretonne
- Le premier dictionnaire monolingue breton jamais édité
- Un énorme travail de collectage
- Le travail à proprement parler gigantesque de Martial Ménard
- Martial offre aux Bretons un bel héritage
- La pédagogie et l'humour caustique qui le caractérisaient
- Un travail hors de prix
- Une œuvre comme on n'en voit guère que très peu dans un siècle
- Un homme de grande valeur
- L'artisan autodicate du renouveau de la langue bretonne
- Un travailleur qui a voué sa vie à la langue bretonne
- Un bourreau de travail
- Le linguiste érudit et le militant breton irréductible
- Un militant exceptionnel.
Les obsèques de Martial Ménard seront célébrées ce lundi après-midi en l'église de Lanrelas, la commune dont il était originaire dans les Côtes-d'Armor. Un hommage devrait lui être consacré samedi prochain à Quimper, où il résidait. Viendra ultérieurement le temps de la distanciation. Mais il est certain qu'il restera pour beaucoup une référence et que même aux autres ses travaux apparaîtront incontournables. Son ami Bernez Rouz n'en faisait-il pas, vendredi dans le journal An-taol-lagad, le plus contemporain des cinq lexicographes majeurs du breton, dans la lignée de Grégoire de Rostrenen, Jean-François Le Gonidec, François Vallée et Roparz Hemon ?