Toulouse… découvre les mondes celtes
Vous ne connaissiez pas le festival Rio Loco ? Moi non plus. Il a fêté son 20e anniversaire à Toulouse l'an dernier. Chaque année, il fait le pari de créer des affinités, de susciter des projets pluridisciplinaires inédits et de rassembler les grands noms de la scène internationale devant plus de 100 000 personnes.
Cette année, Rio Loco propose, tenez-vous bien, une exploration des mondes celtes, dans une perception bien plus large que les cinq pays celtiques habituels, puisque les invités viennent d'Irlande et de Galice, d'Écosse et de Bretagne, du Pays de Galles et de Cantabrie… Un concentré de festival interceltique en quelque sorte, au cours d'une édition unique à durée limitée. Il commence ce mercredi 15 juin, pour se prolonger jusqu'à dimanche, 19 juin. Je trouve d'ailleurs mieux appropriée cette expression "mondes celtes", plus culturelle et plus anthropologique en quelque sorte, que celle des "nations celtes" (en usage l'été du côté de Lorient), plus politique.
À Toulouse, pendant cinq jours, toutes les musiques, dit-on, pourront s'entendre sur le site de la prairie des Filtres, présenté comme un lieu magique, mais aussi en ville et dans un village culturel. Car le festival, ce sont aussi des expositions, des arts visuels, du cinéma, du théâtre, du cirque, y compris pour le jeune public : il y aura largement de quoi s'occuper. Je ne suis pas sûr qu'on entende et qu'on voie l'équivalent en Bretagne.
Hervé Bordier aux manettes
Que Rio Loco s'empare de la thématique des mondes celtes, ce n'est pas si étonnant en fait, dans la mesure où Hervé Bordier en est le directeur depuis cinq ans. Lui, son nom vous dit sûrement quelque chose, puisqu'il a été aux manettes des Transmusicales de Rennes pendant 16 ans. Et voici en quels termes il présente ces mondes-là :
- "un ensemble linguistique et culturel à part entière. Ce sont des bouts du monde aux frontières de la terre et de la mer, des terroirs de résistances, des lieux de légendes à la limite du monde visible et invisible : le réel qui croise l’imaginaire".
Ce ne sont pas tout à fait des clichés, mais la formulation fait quelque peu marketing, difficile sans doute de faire autrement. L'affiche, que l'on doit à l'artiste écossais Cosmic Nuggets, s'inspire de motifs tribaux maoris, de peinture naïve et de pop-art américain : elle représente un sonneur de cornemuse bariolé comme on n'en a jamais vu. Mais sauf erreur de ma part, je n'ai rien repéré dans la programmation sur la dimension linguistique à laquelle fait allusion Hervé Bordier : en plein pays occitan, il y aurait pourtant eu là matière à quelques échanges intréressants sur la question des langues, non ?
La Bretagne à Rio Loco
Justement, quel est le programme ? Rien que pour ce mercredi, les festivaliers pourront entendre…
- Patrick Molard, le sonneur de cornemuse
- du hip-hop expérimental écossais
- Denez Prigent, l'enchanteur
- The Chieftains en Irish Empire.
Les jours suivants sont à l'avenant. Côté breton, suivront…
- une rencontre du 3e type (sic) avec Erik Marchand et Bojan Z, déjà entendus à No Border à Brest
- la renaissance rock de Miossec, sur scène il y a quelques jours à Lampaul-Plouarzel
- un trio de cornemuses de Bretagne (avec Erwan Keravec), d'Iran et d'Algérie.
- Yann-Fañch Kemener et Aldo Ripoche
- un master class de Kreiz Breizh Akademi
- et même le peintre Paul Bloas avec ses colosses de papier !
Pour savoir ce qui vient des autres mondes celtes, le mieux est de télécharger le programme complet sur le site de Rio Loco.
Reste à savoir ce qui va marquer les Toulousains pendant ces cinq jours et comment ils vont percevoir les mondes celtes. Vont-ils les trouver bien étranges, ou finalement pas si différents de leur propre monde familier ? Toujours est-il que le pluriel dans l'intitulé du festival les invite à la découverte.
Patrick Molard dans Le Monde
À propos de Patrick Molard, je ne peux m'empêcher de signaler la recension à laquelle il a eu droit sur un quart de page sous la signature de Patrick Labesse sur la page culture du Monde de samedi dernier, 11 juin : il y est question de son nouveau disque, "Ceol Mor". La cornemuse ? écrit-il avec un point d'interrogation. "Elle enchante ou elle exaspère", répond-il aussitôt.
Mais il explique posément en quoi réside la richesse du son de l'instrument et apprécie que Patrick Molard se soit entouré d'un quintet "habile". Il trouve le disque "stimulant" et le label Innacor (installé à Langonnet depuis dix ans cette année) "pertinent". Un article chaleureux.
Pour en savoir plus : http://www.rio-loco.org/le-festival/2016-les-mondes-celtes