Étrange coïncidence
Connaissez-vous le nom de Thierry Jigourel ? J'ai posté sur ce blog un compte rendu du livre plus qu'approximatif qu'il a commis sur la langue bretonne. C'était il y a plus d'un mois et demi. Et voilà qu'en pleine torpeur de l'été, pour avoir osé critiquer Jigourel, je me fais insulter une fois de plus sur le site des nazillons bretons de Breiz Atao, que le tribunal de Quimper vient de condamner pour racisme et pour diffamation. Ces gens-là ne savent faire que dans le dénigrement et dans l'ordurier. Cette fois-ci, leur propos n'est que de me "couvrir de merde" (sic), si vous voyez le niveau. Je compte bien survivre, et ne serai pas le seul.
Ce qui est bizarre, c'est que j'ai reçu au même moment de Thierry Jigourel en personne un long commentaire qui voudrait lui aussi contester la recension que j'ai faite de son livre. La coïncidence est d'autant plus étrange que le discours de Jigourel semble rejoindre sur plusieurs points les affabulations des Breiz Atao. Il le formule certes en un langage plus soft. Mais je ne peux le publier ici sans répondre à ses allégations.
Ci-après, le texte de T. Jigourel est en italique. Il est bien évidemment reproduit tel que je l'ai reçu, avec les fautes de frappe, de ponctuation ou de français qui s'y trouvent. Pas étonnant qu'il y en ait autant dans son livre.
Monsieur Broudic,
- J'ai lu le commentaire que vous avez fait de mon livre. Il est possible qu'il contienne des erreurs. C'est un travail de commande de l'éditeur. J'ai accepté de le faire pour présenter au grand public une histoire et une actualité de la langue. Je ne pense pas en revanche que mon analyse soit fausse d'un bout à l'autre
Ce n'est pas parce qu'un livre est une commande d'éditeur qu'il faut écrire n'importe quoi. Que le vôtre, Monsieur Jigourel, accumule les erreurs, c'est non seulement possible, c'est certain. Il contient même pas mal de contre-vérités. C'est précisément la raison pour laquelle votre analyse n'est pas crédible.
- Le problème est que nos visions de la Bretagne et nos conceptions des rapports de la Bretagne à la France sont bien différents (sic).
Notre vision de la Bretagne (le pluriel ici ne me paraît pas s'imposer) n'est effectivement pas la même, je vous le concède. Ce n'est pas un problème en soi. Le problème n'est que celui des thèses douteuses et généralement infondées que vous cherchez à propager.
- Il est fait allusion souvent, à votre appartenance au Pcf. J'ignore si c'est la vérité. Mais j'ai toutes les peines à comprendre comment, après avoir été du côté des minorités nationales en lutte dans les années 20, le Pcf a pu à mon sens renier cet aspect authentiquement internationaliste et favorables (sic) aux luttes d'émancipation, pour se ranger dans le camp du nationalisme français.
Si vous ignorez si c'est la vérité, pourquoi donc jugez-vous nécessaire, Monsieur Jigourel, d'y faire allusion vous-même ? C'est le procédé qu'utilisent toujours les réactionnaires et les Breiz Atao de service pour tenter de disqualifier ceux qui se positionnent du côté de la démocratie et qui veulent se situer dans une démarche scientifique rigoureuse. Mais plus personne ne croit à des insinuations aussi caricaturales.
- Pour le livre portrait du gallo, publié dans la même collection, j'ai rencontré beaucoup d'acteurs de la langue et fait corriger le livre par des spécialistes. J'aurais sans doute dû le faire aussi pour celui-ci, mais je crois en savoir assez pour présenter un tableau honnête et général dans lequel la langue bretonne est tout de même largement victime d'une politique d'oppression culturelle de la part de l'Etat français.
C'est un bel aveu. Vous croyez "en savoir assez" et vous dissertez à longueur de pages à partir de l'idéologie toute faite qui est la vôtre, en accumulant les erreurs. Il est assez curieux que vous vous soyez senti obligé de rencontrer des acteurs de terrain et des spécialistes pour écrire un livre sur le gallo. Sur le breton, vous vous abstenez de le faire et vous vous permettez de raconter n'importe quoi. Pas facile, à partir de là, d'être convaincant.
- Si j'ai pu égratigner les "hussards noirs de la République", et les bataillons scolaires, que je considère en effet comme proches dans l'esprit des ballilas de Mussolini, je ne me souviens pas d'avoir attaqué Pierre-Jakez Hélias, que j'aime bien par ailleurs et qui, à mon sens, a eu une action positive quant à la langue bretonne , avec ses écrits en breton et ses émissions à radio-Quimerc'h. Il me semble que sur ce point, vous faites un impressionnant raccourci.
Ça alors ! Monsieur Jigourel "ne se souvient pas d'avoir attaqué Pierre-Jakez Hélias" ! Non seulement, il n'a pas de mémoire, mais il ne prend pas la peine non plus de vérifier ce qu'il a pourtant écrit dans son livre "Langue en Basse-Bretagne". À la page 55, il accuse bel et bien Hélias d'avoir été un professeur d'École normale "payé par l'État pour lobotomiser les cerveaux de générations de victimes expiatoires." C'est vous, Monsieur Jigourel, qui faites des raccourcis impressionnants.
- Par ailleurs , je ne veux évidemment pas dire que la période de la guerre a été facile pour les Bretons.
Mais vous écrivez que celle de la Libération a été "encore plus sombre".
- Ce fut évidement (sic) une période très dûre (sic) et éprouvante pour notre peuple. Ce que je voulais écrire c'est que la répression qui s'est abattue sur l'ensemble du mouvement breton, en 1945 a été disproportionnée par rapport à l'attitude de l'ensemble de l'Emsav. Je pense qu'il aurait été plus utile que le gouvernement gaullo-communiste s'en prenne aux vrais collabos , ceux qui ont passé la guerre à arrêter juifs et réfractaires au STO : les policiers et les gendarmes français, qu'à des acteurs du mouvement culturel breton.
Vous voulez nous dire que l'Emsav culturel n'a pas collaboré sous l'Occupation ? Vous ne faites que confirmer ce que vous écriviez dans votre livre et qui n'est pas recevable. Breiz Atao ne dit pas autre chose. Or, on dispose désormais sur cette période de travaux d'historiens, solides et bien étayés, qui ne corroborent absolument pas les thèses que vous exposez. Sur ce point aussi, ce sont les amalgames que vous faites qui sont impressionnants.
- Quant à la couverture , je reconnais qu'elle est kitch... ça m'a valu des éclats de voix avec mon éditeur., qui m'a répondu " C'est le cahier des charges, ça marche dans le Bourbonnais etc..." Je lui ai répondu que ça ne correspond pas à la vision que les Bretons ont de leur langue et de leur culture...Bref je n'y suis pour rien et j'en suis désolé. Idem pour des fautes de frappe...
- Voilà un point fait sur vos commentaires.
- A greiz galon (sic)
- Thierry JIGOUREL
Rejeter sur votre éditeur les fautes de frappe et autres qui figurent dans votre livre n'est pas très élégant : de Romorantin, il va bien apprécier. Mais si elles y sont, c'est qu'elles s'y trouvaient déjà quand vous avez transmis votre tapuscrit aux éditions CPE. Je n'en parle d'ailleurs qu'en raison du désagrément que vous imposez à vos lecteurs. Mais celui-ci, Monsieur Jigourel, n'est rien à côté de celui que vous leur infligez par ce que je persiste à considérer comme des assertions contestables.
Au fait, sachez tout de même qu'en breton on ne dit pas et on n'écrit pas "a greiz galon" comme vous le faites, mais "a-greiz-kalon". Je sais, les mutations du breton ne sont pas si faciles à maîtriser. Mais ceux qui s'appliquent un tant soit peu parviennent à les faire aisément.
C'était mon commentaire sur vos commentaires.