Langues régionales : Nicolas Sarkozy prend position
Quand on aime la France, on ne propose pas de ratifier la Charte des langues régionales et minoritaires." C'est en substance ce qu'a déclaré Nicolas Sarkozy dimanche dernier à Marseille. Le propos est quand même surprenant, parce que personne ne s'attendait trop à ce que le Président sortant aborde un tel sujet – généralement considéré comme secondaire - dès son premier grand meeting de campagne. Mais comme il faisait ce jour-là une grande déclaration d'amour à la France, critiquant abondamment François Hollande sans le nommer, l'occasion était sans doute trop belle de se démarquer du candidat socialiste qui a lui annoncé qu'il ferait ratifier cette fameuse Charte.
Ce faisant, N. Sarkozy est cohérent avec lui-même : lors de la campagne présidentielle de 2007, il avait déjà affirmé qu'il ne ferait pas ratifier la Charte. Promesse tenue : il ne l'a pas fait. Il avait par contre déclaré que sa préférence allait au vote d'une loi en faveur des langues régionales : promesse non tenue. Le gouvernement n'a même pas publié le "document qui synthétiserait l'ensemble des dispositions visant, dans l'état actuel du droit, la promotion et l'enseignement des langues régionales," alors que Luc Chatel, le ministre de l'Éducation nationale, en avait annoncé la publication au Sénat le 30 juin dernier.
Mais s'il ne veut pas ratifier la Charte, on ne sait absolument pas ce qu'envisage le candidat Sarkozy à ce sujet pour le prochain quinquennat. Il affirme certes qu'il défend "un magnifique patrimoine de langues et de cultures qui font la richesse de notre pays." Mais est-ce que ce n'est pas un simple clause de style ? Car il n'avance aucune proposition concrète. On voit bien par contre tout ce dont il ne veut pas. Il dit non
- à la reconnaissance de "droits linguistiques pour toutes les minorités"
- à "toute dérive communautariste parce que cette dérive ruinerait des siècles d'efforts et de sacrifices pour nous construire un État, une Nation, une République dont nous pouvons être fiers".
Une telle philosophie politique témoigne d'une conception régalienne très stricte de l'Etat-Nation et de l'histoire de la République et elle ne laisse effectivement aucune place pour les langues régionales. Il faudra voir si la position du candidat peut évoluer à l'approche des manifestations annoncées en leur faveur pour le 31 mars prochain dans toute la France. Une chose est déjà sûre : la question des langues régionales est en train de devenir, mine de rien, un sujet clivant dans le cadre de la présidentielle.
Les déclarations de Nicolas Sarkozy suscitent pas mal de réactions :
Voir : sur le site du Télégramme ainsi que dans le journal Ouest-France celles de Jean-Jacques Urvoas, de Richard Ferrand (tous deux PS), et des élus UDB.
Sur le site de l'ABP, les commentaires de nombreux militants bretons (dont certains d'extrême-droite).