Le cru 2015 des Priziou sur France 3 Bretagne
C’était l’épreuve du feu ce soir à Locminé pour Mael Le Guennec, le nouveau responsable des émissions en langue bretonne de France 3 Bretagne. Il avait déjà animé la cérémonie des Priziou il y a quelque temps à Saint-Malo, si je me souviens bien. Cette année, c’est lui qui les organisait, et je sais ce que cela représente comme investissement. La photo de groupe des lauréats (© Yannick Derenes) en témoigne : tout s’est bien passé.
C’était prévisible : Goulwena an Henaff et Yann-Herle Gourves sont des présentateurs parfaitement chevronnés, et le réalisateur Lorenzo della Libera maîtrise. C’est sûr, l’effet n’est pas le même lorsqu’on suit l’événement en streaming que lorsqu’on est dans la salle ou même en différé devant son téléviseur. Mais on peut ainsi le vivre en direct à distance, et ça, c’est un plus. J’ai l’impression qu’on n’a cependant pas beaucoup vu la salle.
C’est donc en plein pays vannetais, à Locminé, que se sont déroulés les Priziou 2015, 18e édition de la cérémonie du même nom. Ils sont désormais présentés comme les prix de l’avenir du breton, mais c’est un peu un effet d'affichage, puisqu’ils sont bel et bien remis pour des réalisations du temps présent.
Le "brittophone" de l'année
D’ailleurs, Herve Sebille-Kernaudour (© Yannick Derenes), qui a été désigné ce soir bretonnant de l’année (c’est ce qu’on dit en breton : brezoneger) ou brittophone de l’année (c’est le terme qu’on cherche depuis quelque temps à promouvoir), n’a pas manqué de souligner ce paradoxe : il a été primé pour avoir dirigé l’édition d’un dictionnaire du breton du Trégor-Goélo compilé par François Vallée dans… la première moitié du XXe siècle et resté jusqu’à présent à l’état de manuscrit. Il n’en espère pas moins, à raison, que l’ouvrage soit utile dès maintenant et… à l’avenir à tous ceux qui voudront bien se l’approprier.
Étonnements
Comme chaque année, les Priziou 2015 ont révélé leur lot de surprises. Passons sur un ou deux slogans, rituellement énoncés. L'étonnement vient du fait que deux prix ont été attribués cette année à des lauréats dont les initiatives ne manquent assurément pas d'intérêt et qui s'impliquent dans des projets prometteurs. Les Priziou sont pour eux aussi une forme de reconnaissance. Mais on ne peut éluder une question : comment peut-on attribuer des Priziou à qui, semble-t-il, n'est pas encore en mesure de s'exprimer spontanément en breton ? Ou bien est-ce à dire que l'évolution sociolinguistique de la Bretagne est telle qu'on ne peut plus faire autrement ? Les organisateurs et le jury devront sans doute mener d'ici l'an prochain une réflexion sur le profil des lauréats qu'ils souhaitent primer.
Autre étonnement : dans la catégorie "collectivités", il n'y avait qu'un seul nominé et donc un seul lauréat. L'explication avancée par le représentant de l'Office public de la langue bretonne ne me convainc pas. Le faible nombre de candidatures est-il vraiment conjoncturel ou le problème ne serait-il pas plus profond ?
Des auteurs de talent
Des auteurs de talent ont été primés ce soir.
- C’est notamment le cas d’Annie Coz, pour son premier recueil de nouvelles, "Bili er mor" [Des galets dans la mer], dont les revues en breton comme Brud Nevez avaient remarqué le talent et la sensibilité au moment de sa sortie.
- C'est aussi celui du réalisateur Avel Corre, dont le premier court-métrage de fiction, "An dianav a rog ac'hanon" [L'inconnu me dévore] – avec l'actrice Nolwenn Korbel dans le rôle principal - est aussi intrigant que prometteur.
Les sept lauréats
- Catégorie "entreprises" : le lunetier Naoned Eyewear à Nantes. Lire sur ce blog un post du 1er octobre 2014, précisément intitulé : Nantes, des lunettes très bretonnes.
- Associations : Lusk, maison d'assistantes maternelles à Carhaix, s'adressant en breton aux bébés.
- Livre de fiction : "Bili er mor" [Des galets dans la mer], d'Annie Coz (éd. Skol Vreizh).
- Disque chanté en breton : "N'int ket deuet a-benn da ziwrizienañ ac'hanomp" [Ils n'ont pas pu nous déraciner], CD du groupe Rhapsodia (production Paker Prod).
- Audiovisuel : "An dianav a rog ac'hanon" [L'inconnu me dévore], réalisation Avel Corre, production Tita prod.
- Collectivités : Musée des marais salants de Batz-sur-Mer.
- Brittophone de l’année : Herve Sebille-Kernaudour, pour l'édition du Dictionnaire du breton du Trégor-Goélo et de Haute-Cournouaille de François Vallée (éd. Kuzul ar brezhoneg).
L'animation musicale était assurée par le groupe vannetais Granit 56 (© Yannick Derenes).
Les premiers prix ont reçu de la part de France 3 un trophée imaginé par le peintre Fabrice Thomas, ainsi qu'un chèque de 1 500 € offert par l'Office public de la langue bretonne. Ce dernier a également remis un chèque de 500 € aux 2e et 3e lauréats.
Les membres du jury
- Mich Beyer, écrivain
- Gweltaz Adeux, chanteur et musicien
- Ronan Postic, représentant de l’Office public de la langue bretonne
- Laetitia Fitamant, animatrice de radio
- Steven Guegueniat, chef d’entreprise, à la tête de l'imprimerie Ouestelio à Brest
- Trefina Kerrain, salariée dans le milieu associatif
- Stefan Carpentier, animateur à l'association Div Yezh et écrivain.
Diffusion antenne
Dimanche 24 janvier, à 11 heures, sur France 3 Bretagne. Puis sur le site internet de la chaîne.