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Le blog "langue-bretonne.org"
31 juillet 2025

La troisième journée du congrès de la Société de mythologie française à Brasparts

Il y a été question de prendre (seconde) femme au pays des morts et de Conomor, un Barbe-Bleue breton. Deux récitals sur le thème de l’Autre-Monde ont marqué les esprits

Soirée musicale avec Dimitri Boekhoorn. Photo : DR 

 

Légende dorée. Jacques de Voragine.  Mâcon. Bibliothèque municipale (ms. 3.f°.25v). Enluminure du peintre flamand Guillaume Wyelant (enrre 14489 et 1474).

Didier Jugan

Les morts au secours des vivants. Du bénéfice de prier pour les morts dans la pensée chrétienne médiévale

De nombreux récits exemplaires médiévaux mettent en scène des morts qui viennent physiquement aider les vivants en difficulté, en reconnaissance des prières que ces hommes ont faites pour leur salut. En effet, dans la période naissante du Purgatoire, où, après leur mort, les âmes subissent des peines comparables à celles de l’Enfer, mais sont destinées à rejoindre un jour ou l’autre le Paradis, l’action des vivants est considérée comme fondamentale pour accélérer la montée des âmes vers les cieux ou pour atténuer leurs souffrances. En retour des actions qui leur sont bénéfiques, les morts, dans ces récits, sont attentifs aux vivants et leur apportent une aide matérielle dans les vicissitudes de leur vie.

Ces exempla connus sous le nom de Légendes des morts reconnaissants ont été mis en images aux XVe-XVIe siècles à une époque où la pensée catholique sur le sujet est contestée par la Réformation. La présentation s’appuiera sur la richesse et la diversité des textes (exempla cisterciens, Miracles de Notre-Dame, Manuels d’éducation morale) et sur le riche corpus iconographique (enluminures, peintures murales, tableaux, sculptures, vitraux…) qui s’y rattache. On tentera de voir comment le sujet a perduré dans les contes de l’époque moderne.

BNF ms. fr. 137, Ovide moralisé en prose, Phaéton prie son père Phoebus de le laisser conduire le char solaire.

 

Françoise Clier-Colombani

Les représentations de l’au-delà chrétien et païen dans les manuscrits enluminés de l’Ovide moralisé (XIVe s.)

Comment les espaces de l’au-delà sont-ils représentés dans les images des manuscrits enluminés de l’Ovide moralisé ? Car lorsque l’auteur anonyme de l’ouvrage annonce son projet de « Traire de latin en romans/Les fables de l’ancien temps/Selon ce qu’Ovide les baille », le titre de l’œuvre, « Fables d’Ovide qui sont ramenez a moralité de la mort de Jésus-Christ », dévoile aisément son intention de les christianiser.

Tout au long du livre, le lecteur sera tiraillé entre deux conceptions de l’espace divin, la conception gréco-romaine d’Ovide et la conception chrétienne de son traducteur médiéval, à travers la lecture allégorique qu’il en propose. Or, si ces conceptions sont largement mêlées dans le texte, elles le sont davantage encore dans les images du fait des interprétations des enlumineurs médiévaux, influencés par la peinture liturgique et le théâtre religieux populaire.

Comment les illustrateurs de l’Ovide moralisé ont-ils conçu les espaces occupés par le ciel, l’enfer, et les autres lieux intermédiaires fréquentés par les dieux et les héros ? Comment en sont définis les contours, les limites ? Comment les dieux se déplacent-ils dans ces espaces ? Quels sont les divers chemins des enfers chrétiens et païens, et de quelles sortes d’enfer s’agit-il ?

 

BNF, manuscrit Français 1433, fol. Av (détail). L’Âtre périlleux.

Guillaume Leroy

Prendre (seconde) femme au pays des morts : Gauvain et Soslan

On a repéré de longue date des points communs très précis entre, d’une part, les personnages et les épisodes de plusieurs romans arthuriens et, d’autre part, les aventures de ces héros mythiques du Caucase nommés les Nartes. Les similitudes entre Gauvain et le Narte Soslan apparaissent particulièrement significatives, et ont été récemment bien mises en évidence par Joël Grisward.

Un point commun n’a pas été, me semble-t-il, aperçu jusqu’ici : les deux héros sont par excellence ceux qui voyagent dans l’autre monde. Par ailleurs, l’un et l’autre guerrier entretiennent là-bas une relation privilégiée avec une morte ressuscitée, qui n’est pourtant pas leur seule compagne. Enfin, les histoires de ces deux mortes se ressemblent également. La réflexion s’organisera en trois temps.

Il s’agira d’abord de mettre en évidence le rapport privilégié qu’entretiennent chacun de leur côté, Gauvain et Soslan, avec l’autre monde, en montrant comment cette caractéristique les distingue de leurs compagnons. Je comparerai ensuite leurs relations respectives avec une morte ressuscitée habitant cet autre monde. Enfin, je développerai les parallèles de ce dossier avec le Serglige Con Culainn, le lai d’Eliduc et le conte de Blanche-Neige, en tentant de reconstituer le mythe commun à tous ces récits.

 

Conomor et sainte Tryphine. Chapelle Sainte-Tréphine de Pontivy.

Édith Lombardi

Conomor, un Barbe-Bleue breton

Si Conomor, un roi breton, tueur de ses épouses successives, ne nous emmène pas dans l’au-delà, sa dernière épouse, Tryphine, ne devra sa survie qu’à l’intervention des épouses précédentes, qui sortent de leur tombeau avec la flamme, le poison, la corde, le bâton avec lesquels Conomor les a tuées. Elles tendent ces armes à Tryphine, afin qu’elle s’échappe de sa prison.

Nombre de récits de la famille de Barbe-Bleue nous entraînent ainsi aux confins des mondes connus, quand les frontières entre le vivant et le mort, le divin et le diabolique sont devenues poreuses.

 

Enseigne de Woolpit.

Daniel Gricourt et Dominique Hollard

Le « pays de Saint-Martin » : un « Autre Monde » froid et crépusculaire

Dans l’Angleterre du XIIe siècle, deux chroniques racontent l’histoire des enfants verts de Woolpit. Un été, un garçon et une fille surgissent dans les champs sortants de cavités chthoniennes. Ils ont la peau verte, parlent une langue étrange et n’acceptent que des fèves durant des mois avant que l’usage du pain leur fasse retrouver leur blancheur. Apprenant la langue locale, ils expliquent qu’ils viennent d’une contrée appelée « pays de saint Martin », d’où ils sont arrivés après avoir été « aspirés » dans une caverne par le son des cloches de l’église de Woolpit.

Leur pays d’origine est décrit comme chrétien, mais ses habitants également sont verts et le soleil n’y brille que d’une lumière rougeâtre. Ils parlent aussi d’un autre pays lumineux, séparé par une grande rivière. Une fois baptisé, le garçon meurt peu après, tandis que sa sœur se marie et mène une vie désordonnée. Ce récit traduit en réalité de façon détaillée des croyances sur l’Autre Monde d’origine antique et surtout celtique, telle la couleur verte associée à l’au-delà, la nourriture des âmes par les fabacées et l’action du métal frappé pour rappeler les défunts.

 

Les soirées du congrès de la Société de Mythologie française à Brasparts

 

 

Récital autour du thème de l’Autre-Monde des Celtes : soirée musicale avec Dimitri Boekhoorn

Dimitri Boekhoorn, docteur ès Études celtiques, originaire des Pays-Bas, mais installé en Bretagne, joue d’une multitude de harpes modernes et anciennes, de rotes et de lyres dotées de différents types de cordes. Il interprète des compositions, de la musique traditionnelle celtique et d’ailleurs (musiques du monde) et de la musique ancienne.

Autodidacte, il utilise les ongles comme les « harpeurs » irlandais du Moyen Âge. Ainsi a-t-il retrouvé un style plus léger, rapide et ornementé. Invité régulier de festivals en Europe, il s’est produit avec des musiciens renommés (Carlos Núñez, Jordi Savall). Son projet avec une harpe gaélique dotée de cordes en or massif a été l’objet d’une émission sur France Culture. www.harpes-dimitri.eu

À l’aide de cordophones connus de différents peuples celtes (harpe gaélique, harpe galloise, d’autres harpes anciennes et modernes, lyre gauloise de l’âge du fer et lyre médiévale, rotas médiévales), voire avec quelques autres instruments, ce spectacle est une évocation des traditions celtiques relatives à l’Autre Monde.

Entre les mélodies, parfois venues directement du monde des fairies, à en croire la tradition orale, Dimitri donnera quelques explications du répertoire et des instruments insolites et récitera des textes à caractère mythologique en vieil irlandais et en gaulois reconstitué. Le thème de l’au-delà se décline alors avec des pièces de musique et des textes en langues celtiques avec leur traduction.

 

 

Marie Chiff’Mine et Dimitri Boekhoorn. Photo : DR

Voyage dans l’Autre-Monde : soirée contes et musique avec Marie Chiff’Mine et Dimitri Boekhoorn

 

Marie Chiff'mine : J'œuvre sur scène depuis 40 ans avec un répertoire, principalement de la matière de Bretagne et de la mythologie du végétal. Inspirée par la nature et mon territoire natal, je poursuis ma petite bonne femme de route et mon p’tit bonhomme de chemin en contes, chants, poèmes et musiques.

Je conte pour toutes les tailles d’êtres humains un peu partout ici et même là-bas, en Écosse, en Estonie et en Louisiane ! En solo ou en duo, mes créations artistiques se partagent sur scène et dans la nature également. https://www.mariechiffmine.com/

L’Autre-Monde ? Ses mystères, ses secrets, ses signes, ses symboles s’illustrent dans la tradition populaire bretonne à travers maints récits, contes, chants et musiques. L’Étrange voisine avec le Quotidien, qu’il soit au lavoir, à la forge ou sur les chemins. Et si on partait pour une balade entre ces rencontres sombres, ces voix de l’invisible, ces êtres errants sur les chemins de l’Ankou ?

Le voyage imaginaire dans l’Autre-Monde se prépare secrètement en contes — notamment d’Anatole Le Braz — chants et musiques de Bretagne avec les cordes des harpes, avec les autres instruments de Dimitri Boekhoorn et les mots de la conteuse Marie Chiff’mine.

 

À suivre : la dernière journée du congrès de la SMF à Brasparts

 

 

Commentaires
Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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