Connaissez-vous Gwalarn ? Cette revue littéraire en langue bretonne aurait eu cent ans cette année
Elle surgit comme une comète au début de l’année 1925 en publiant dans son premier numéro « un premier et dernier manifeste en langue française ». Ce manifeste est signé de deux inconnus, Roparz Hemon et Olivier Mordrel, que Francis Favereau présente dans le tome 2 de son Anthologie de la littérature bretonne au XXe siècle comme deux jeunes intellectuels autonomistes, encore à l’âge de l’anticonformisme et pour lesquels « il n’y a pas de renaissance nationale sans renaissance linguistique ».
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Gwalarn 100 ans • 1925-2025
Une publication qui cible l’élite du public bretonnant
La création de Gwalarn [Nord-Ouest] fait suite à celle en 1919 d’un autre périodique qui se présentait comme « la revue mensuelle du nationalisme breton » et dont le nom Breiz Atao [La Bretagne pour toujours] va marquer l’histoire du mouvement breton dans l’entre-deux-guerres et bien au-delà.
Selon le manifeste, Gwalarn se destine « à l’élite du public bretonnant […] sur la voie que suit depuis longtemps la littérature de mainte petite nation : la Bohème, la Flandre, la Catalogne, entre autres. » Et vise à provoquer une « réaction violente et raisonnée de la jeunesse cultivée contre les modes surannées et la fausse paysannerie mise en honneur par le régionalisme. » On fait table rase du passé et on chamboule tout. Mordrel quitte le frêle esquif au bout de quelques mois.
Roparz Hemon est le pseudonyme de Louis-Paul Nemo, né à Brest en 1900, jeune agrégé d’anglais, professeur au lycée de la ville. Il rassemble un fort panel d’auteurs autour de sa revue, intégralement rédigée en breton et qui va perdurer en surmontant des problèmes récurrents jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en 1944. La norme de Gwalarn s’imposera finalement à tous ceux qui se lancent dans l’écriture en breton, non sans susciter des débats.
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Traduction du titre : La création de Gwalarn : un homme, une volonté, une équipe
Une exposition d’abord présentée à Brest : logique
Et voilà que sont organisées deux manifestations à l’occasion du centenaire de la création de Gwalarn : une exposition et une table ronde. On en doit l’initiative à Bernez Rouz, qui chronique les trésors du breton écrit dans Dimanche Ouest-France, après avoir été journaliste de langue bretonne à France 3 et président du Conseil culturel de Bretagne. Un comité de lecture composé de six hommes et de deux femmes s’est constitué au sein de Ti ar vro [La maison de pays] à Quimper pour finaliser le projet d’exposition, dont la réalisation a été confiée à Armel an Hejer au sein de Kevre Breizh (Coordination culturelle associative de Bretagne).
L’exposition, conçue comme devant être itinérante est constituée de dix-huit panneaux, eux aussi rédigés intégralement en breton, les quelques textes d'origine en français ayant fait l'objet d'une traduction. Elle pouvait se visiter ces derniers jours dans les locaux du centre culturel Sked (assez mal agencée cependant) à Brest. Logique, puisque c’est dans cette ville qu’est né le fondateur de Gwalarn et que la revue y a été créée. Alors que la ville a la réputation de n’avoir toujours été qu’une ville française, Brest est donc aussi une ville bretonnante.
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Les collaborateurs de Gwalarn
La galaxie Gwalarn
Tous les panneaux sont présentés selon la même charte graphique dans des tons mauves sur fond gris, avec de multiples encadrés. Rédigés en breton, ils affichent un QR code pour obtenir une traduction en français et traitent chacun d’une thématique :
- Kenlabourerien Gwalarn > les collaborateurs de Gwalarn en photo, au nombre de seize, y compris Roparz Hemon comme étant simplement l’un d’entre eux.
- Krouidigezh Gwalarn : un den, ur youl, ur skipailh > La création de Gwalarn : un homme, une volonté, une équipe.
- Ur skritur unvan : ur benveg a-bouez > une orthographe unifiée : un outil important
- Skrivañ romantoù war bep tachenn > écrire des romans sur tout
- An danevelloù > les nouvelles
- Iwerzhon, ur vro dishual : L’Irlande, un pays libéré
- Levrioù skiantel : skiantoù natur ha skiantoù mab-den > Les ouvrages scientifiques : sciences naturelles et sciences humaines.
L’ensemble donne l’impression d’une totalité. Gwalarn à son lancement paraît être une galaxie autosuffisante de bretonnants lettrés avec de multiples satellites, qui ne connaît d’autres étoiles que celle de l’Irlande libérée, celle des autres pays celtiques et celle plus lointaine d’autres petits pays. Jusqu’à ce qu’elle découvre assez rapidement une nouvelle planète sur laquelle vivent des adultes et des enfants s’exprimant aussi en breton, ou pas, qu’il convient d’alphabétiser ou de former en « brezhoneg eeun » [breton simplifié].
L’exposition accueillie au Centre de recherche bretonne et celtique
L’exposition va faire halte du 10 au 14 mars au Centre de recherche bretonne et celtique, à la Faculté Victor Segalen, avec deux particularités :
Le CRBC présentera en complément des documents (ouvrages, manuscrits, correspondances…) rares ou inédits conservés dans sa bibliothèque et ses archives.
Deux visites guidées sont également prévues, l’une en breton le 11 mars à 17 h et l’autre le 14 à la même heure en français.
À suivre : une table ronde très suivie
Pour en savoir plus : une analyse du discours de Roparz Hemon d'après l'ouvrage Eur Breizad oc’h adkavout Breiz, publié en 1930 et deux fois réédité depuis, sur le site la-pratique-du-breton.org Si le lien ne fonctionnait pas, repérer le titre de l’ouvrage et le nom de l’auteur au milieu de la page d’accueil du site.