Digression sur un tableau de sonneur et sur l’écrivain Henri Pollès
En fin d’année dernière, j’ai visité le fonds Henri Pollès de la bibliothèque des Champs libres de Rennes, un peu fourre-tout, mais j’y ai découvert ce tableau d’un joueur (et non pas un sonneur !) de biniou pantagruélique au premier plan, alors que le sonneur de bombarde famélique en arrière-plan n’est même pas cité. Discrimination ? Ce dernier serait-il moins considéré que son compère ?
J’ai sollicité Yann Le Meur, lui-même un ancien sonneur et auteur d’un opus précisément intitulé « Sonneur », pour avoir son avis. Il est par ailleurs un spécialiste des finances locales, co-fondateur de la société Ressources Consultants Finances et enseigne à la Faculté de sciences économiques de Rennes 1. Il est intervenu le 4 octobre dernier, lors du Carrefour des communes du Finistère, sur le sujet suivant : « Assurer l’avenir financier de votre territoire communal : stratégies et solutions pour les maires, en présence de Maël de Calan, président du Conseil Départemental du Finistère, François Cuillandre , maire de Brest et président de Brest métropole et de Rémi Heurlin, directeur régional Bretagne de la Banque des Territoires.
Joueur de Biniou dans le Finistère. Tableau du fonds Henri Pollès, Bibliothèque des Champs libres, Rennes. Photo : FB. Sur Facebook, Thierry Bris attribue ce tableau à Alfred Darjou (1832 – 1874), colorisé différemment que ci-dessus et paru dans l’album "Costumes de la Bretagne" / A. Darjou (del.); A. Leroux (lith.), Paris: éd. Journal Les Modes Parisiennes et Journal Amusant, non daté. Conservé au Musée départemental breton, Quimper. Le joueur de biniou est en bragou-braz. Le chapeau breton à trois rubans pourrait laisser croire qu'il s'agit d'un chapeau bigouden.
Yann Le Meur livre ici son commentaire sur le tableau du fonds Pollès, avec sa perspicacité habituelle, ce dont je le remercie.
Dans le temps, on appelait les sonneurs « Les Binious »
Ce tableau me plaît bien et m’inspire.
Le biniawer n’est pas pantagruélique, mais fait partie de ceux qui gonflent extrêmement leurs joues en soufflant dans leur sutell. Paotr e vombard n’est pas famélique, mais discret, mince et délicat, voire sensuel, quand le biniawer semble massif, trapu, rustre et brut de décoffrage. Paotr e vombard correspond exactement au héros de ma chanson Pouchi Poucha, lequel ressemblerait quelque peu à un jeune sonneur blev hir ha melen de 16 ans que j’ai vraiment très très bien connu.
Dans le temps on appelait les sonneurs de couple « Biniou », « Les Binious ». Exemple : Biniou Santoz (le couple de sonneurs de St-Thois), « Biniou Langoned », biniou étant un terme générique pour désigner indifféremment le joueur de biniou ou le joueur de bombarde (que l’on n’appelait pas « talabarder »), mais aussi les instruments. Biniou, c’est donc dans l’imaginaire des gens au centre du jeu alors qu’en termes de direction de jeu, c’est l’inverse.
Il n’y a qu’un siège (baquet renversé) sur le podium du tableau. Siège réservé au biniou qui était sans doute seul au départ (seul à être demandé, c’est moins cher qu’à deux, donc). On peut jouer seul toute une gavotte et une soirée avec le biniou, ce qui n’est pas le cas de la bombarde. Hopala! poent eo dihan, Dav eo din mont da brenañ gwin !
Yann Le Meur
Mais savez-vous qui fut Henri Pollès ?
Texte mis à jour le 5 janvier 2025, 11:04
Né à Tréguier en 1909, Henri Pollès commence à écrire dès l’âge de dix ans. Son premier roman, Sophie de Tréguier, paraît en 1932 et est unanimement salué par la critique. Romancier, mais aussi essayiste, il publie de nombreux articles et ouvrages. En 1982, Sur le fleuve de sang vient parfois un beau navire lui vaut le prix Paul-Morand de l’Académie française et le grand prix des Écrivains de l’Ouest.
Collectionneur et bibliophile, Henri Pollès se retire en 1942 dans sa maison de Brunoy dans l’Essonne où il se consacre à créer un « musée vivant du livre et des lettres ». En 1983, il propose de faire don de sa collection à Rennes. En échange, la ville s’engage à ouvrir un musée du Livre et des Lettres qui porte son nom. Cette donation permet à 30 000 ouvrages et objets d’échapper à l’incendie de la maison de Brunoy, dans lequel l’écrivain trouve la mort en 1994.
Le musée du Livre et des Lettres Henri Pollès est réalisé en 2006 par Rennes Métropole. La collection comprend 20 000 ouvrages, 2 000 dossiers documentaires et 10 000 objets.
Cartel du fonds Henri Pollès de la bibliothèque des Champs libres à Rennes. Photo : FB
Les drapeaux habillent mal
Henri Pollès est l’auteur de multiples romans et d’essais, dont « Les drapeaux habillent mal » que signale la bibliothèque des Champs libres et dont le titre sonne comme un aphorisme. Ce n’est toutefois pas le titre complet de l’ouvrage qui est en réalité : « Les drapeaux habillent mal, ou les ismes et les hommes — roman infini ».
En quelle année a-t-il été publié ? Cette simple question mériterait une recherche spécifique. Car Les Champs libres le datent de 1964, mais Wikipédia de 1962. Des bouquinistes, qui le proposent à 60 ou 70 € environ, le signalent comme étant sans date. Un autre site le référence comme ayant été « specially printed for Raymond Queneau » et comme en étant la première édition, en 1950, chez Henri Lefèbvre à Paris. Avis aux amateurs ou aux collectionneurs : le prix demandé pour cet ouvrage de 840 pages, format 25 x 16 cm, est de 300 $.