Quand il était interdit de parler le breton à l’école : une conférence en pays de Rosporden
Et très précisément à la salle polyvalente d’Elliant. Car l’association HPPR – Histoire et patrimoine en pays de Rosporden – organise annuellement quatre conférences, à tour de rôle dans les communes de son territoire.
J’avais été invité par Michel Quinet, son président, et Monique Talec, une connaissance de longue date puisque nous nous sommes connus lorsque nous étions étudiants à Brest au temps où l’actuelle Faculté des lettres Victor Segalen n’était qu’un modeste Collège littéraire universitaire.
Les élèves devaient se surveiller eux-mêmes
Ils m’ont proposé de faire le point sur une histoire pas si bien connue finalement et qui a pourtant suscité pas mal de débats et de polémiques : l’interdit de la langue première (autrement dit, la langue maternelle) à l’école. Je suis intervenu sur ce sujet près d’une dizaine de fois auparavant dans différentes villes de Basse-Bretagne, de Brest à Lanvollon et de Châteaulin à Saint-Renan.
Qui n’a pas entendu dire qu’on n’avait pas le droit de parler le breton à l’école ? Mais sans savoir quand ni selon quelles modalités. C’est la cour de récréation et non la classe qui apparaît comme le lieu stratégique où les élèves devaient se surveiller eux-mêmes et repérer celui d’entre eux qui parlait le breton.
Ceux qui le faisaient se voyaient attribuer le fameux symbole – un objet dépréciatif en forme de sabot ou autre – et étaient punis à la fin de la journée. Ces pratiques ne concernaient pas tous les enfants, mais elles sont attestées en Basse-Bretagne à partir des années 1830. Tous n’ont pas été concernés assurément, mais plusieurs générations d’écoliers l’ont été sur une période de 130 ans environ.
Ci-dessus, à gauche : Photo à la une du magazine Bremañ, décembre 2001, après une manifestation à Quimper. Utilisé ici comme un contre-slogan pour revendiquer l'enseignement par immersion (Diwan).
Défense de cracher par terre et de parler breton
Cette pratique est associée par ailleurs à un slogan selon lequel il était interdit de cracher par terre et de parler breton. Cette double interdiction paraît choquante, puisqu’il est évidemment mal vu de cracher par terre – question d’hygiène – et que parler le breton le serait aussi par la même association d’idées. Le problème est qu’on ne trouve nulle part dans les archives aucun original de l’affiche qui serait à l’origine de cette affirmation (sauf contrefaçon). Le slogan est en réalité apparu dans les années 1970 sous la plume de l’essayiste Morvan Lebesque et des poètes Paol Keineg et Yann-Ber Piriou.
Il existe par contre aux Archives départementales du Finistère (FRAD029_3J29_10_001) une affichette en breton stipulant tout simplement qu'il « est formellement défendu de cracher, de jeter des saletés, des épluchures de châtaigne, dans la Salle des pas perdus [du Tribunal de Quimper], sous peine d’en être immédiatement expulsé. » Prétendre qu’il « est interdit de cracher par terre et de parler breton » ce n’est pas la même chose et cette formulation, sous réserve d’inventaire, paraît une extrapolation.
Plus de quatre-vingts personnes ont assisté à cette conférence à la salle polyvalente d’Elliant, et les organisateurs en étaient ravis.
Pour en savoir plus
Lire les articles que j’ai publiés sur ce sujet dans les ouvrages suivants :
- L’interdit de la langue première à l’école, dans Georg Kremnitz (dir.). Histoire sociale des langues de France, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 353-374.
- Le symbole et les autres dispositifs d’exclusion de la langue bretonne de l’école, dans Jean-Luc Le Cam et Erwan Le Pipec (dir.), L’école et les langues dans les espaces en situation de partage linguistique. Approche historique. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2024, p. 279-294. Cet ouvrage fait suite au colloque qui s’était tenu en mai 2016 au pôle universitaire Pierre-Jakez Hélias à Quimper.
L’un et l’autre titres peuvent être commandés chez l’éditeur ou en librairie.
Tout savoir sur l'histoire des écoles de Rosporden et Kernével
J’attire également l’attention des lecteurs de ce blog sur le double ouvrage grand format publié par HPPR, Histoire et patrimoine du pays de Rosporden, sur deux siècles d’histoire des écoles de Rosporden et Kernével :
- Les écoles de Rosporden-Kernével, 1807-1945, 228 p. ill., 22 €.
- Les écoles de Rosporden-Kernével, 1945-1980, 330 p., ill., 30 €.
Ces deux publications ont fait l’objet de recherches approfondies par l’Atelier écoles de HPPR, à savoir Renée Lancien, Monique Lossouarn, Annie Mazeau, Michel Quinet et Monique Talec.
Vous pouvez contacter HPPR en un clic pour les obtenir.