Les Priziou : retour sur le cru 2019
Cette édition 2019 aura été celle de quelques scoops. On doit le premier, d’entrée de jeu, à Goulwena an Henaff, la présentatrice des Priziou, puisqu’elle a mis en valeur un nouveau dialecte émergent du breton, celui que l’on parle à Bruz, la ville de 18 000 habitants à quelques kilomètres de Rennes où se déroulait la cérémonie.
À Bruz, si loin de la Basse-Bretagne, se parle donc une variante locale du "brezhoneg" [breton] officiel, d’ores et déjà identifiée comme étant le "bruzhoneg" [intraduisible] : une association locale s’active d’ailleurs pour assurer la promotion de cette langue d’avenir. Et dire qu’il a fallu que les Priziou que décerne France 3 Bretagne se déroulent enfin sur le territoire de Rennes Métropole pour qu’on en découvre l’existence !
En fait, Goulwena a très vite cessé de s’exprimer en "bruzhoneg" pour revenir au breton classique : ce n’était qu’un jeu de mots en forme de clin d’œil. C’est qu’une remise de prix — et c’est vrai pour les prix de la langue bretonne comme pour le cinéma — c’est toute une alchimie. Au départ, c’est une organisation millimétrée. La preuve par Mael Gwenneg, le responsable des émissions en langue bretonne de France 3 : il annonce lui aussi en forme de scoop la prochaine édition des Priziou pour le 13 mars 2020 à Fouesnant, où ils ont déjà eu lieu il y a quelques années, si je me souviens bien. C’est ce qui s’appelle anticiper.
Une initiative de la télévision régionale
Les Priziou sont un événement, qui plus est retransmis à la télévision. Normal, puisqu’ils sont organisés par une chaîne de télévision (en l’occurrence France 3 Bretagne) avec désormais le concours de la région Bretagne et de l’Office public de la langue bretonne. La télé, mieux que tout autre média, leur assure le retentissement optimal : la langue bretonne a bien besoin de ça. C’est aussi une reconnaissance, un parti pris parfois, des découvertes, de la satisfaction ou de la déception… C’est un coup de projecteur sur les réalisations considérées comme les plus marquantes de l’année dans sept catégories différentes. Le résultat, tel qu’il a été vécu dans la salle en live ou tel qu’il a été restitué à l’antenne est probant.
C’est le travail de toute une équipe de journalistes, animateurs, administratifs et techniciens, un service communication, des jurés, des artistes… Je n’oublie pas le réalisateur qui fait la synthèse des contraintes et des potentialités en vue du résultat final à l’antenne en fonction des moyens dont il dispose, Avel Corre cette année comme l’an dernier. Je cite également Rebecca Donellan, dont le rôle est incontournable : depuis des années et des années, elle est dans la discrétion et avec le sourire la scripte attitrée des Priziou et c’est la dernière fois qu’elle l’aura été. Une performance.
Le sketch du kilt breton
Les Priziou, enfin, c’est une dynamique, une ambiance. Les présentateurs y contribuent pour l’essentiel par leur présence et leur aisance sur scène ainsi que par leur complicité avec la salle. Goulwena an Henaff et Yann-Herle Gourves créent chaque année la surprise, d’autant que Goulwena portait l’une des robes de la nouvelle collection du brodeur Pascal Jaouen (qui sera bientôt dévoilée) et Yann-Herle un kilt (ça mérite un gros plan) présenté comme étant celui de Lorient, mais qu’il a fallu tout de même aller chercher à Paris. Pascal Jaouen en portait un aussi, dans les tons noirs
De là à ce que les Bretons adoptent le kilt que les Écossais eux-mêmes ne portent que dans les grandes occasions, on en est loin. On aura eu le droit à tout le moins de la part des deux animateurs à un sketch quelque peu surjoué sur ce que portent les hommes sous leur kilt : on a vu à l’image ce qu’il en était dans le cas de Yann-Herle Gourves. Tant qu’à faire, on aurait aimé savoir s’il se conforme à un usage bien établi ou s’il l’enfreint. Le mystère demeure.
Pas de déclaration fracassante cette année lors de la remise des Priziou, ça arrive parfois, mais des regrets, quelques blâmes (mais oui) et des satisfecit. Le brittophone de l’année, Arno Elegoed, n’a pas apprécié les bâtons qu’on lui a mis dans les roues pour l’édition de son livre-CD "Kan ar bed" [Le chant du monde]. Quelques coups de griffe ont été énoncés à l’égard des services publics tels que la SNCF, Pôle emploi et surtout l'Éducation nationale qui avec la réforme des lycées ne s’implique pas comme il faudrait pour assurer l’avenir des langues régionales. Plus inattendu de la part des présentateurs : ils ne se sont pas contentés de saluer les personnalités présentes, ils ont aussi nominativement désigné les élus absents… Ça se fait, ça ?
Pour sa part, Mael Gwenneg, le responsable des émissions en langue bretonne de France 3 Bretagne, était en admiration devant l’ample robe rouge à papillons, chaussures assorties, que portait Lena Louarn, vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, avant de se féliciter l’une et l’autre du déroulement de la soirée et de la qualité du cru 2019 (une centaine de profils avaient été pré-sélectionnés). Il est vrai que la salle du Grand Logis de Bruz était pleine, ce qui veut dire que quelque 400 personnes se sont déplacées de toute la Bretagne pour y être. C’est, je pense, l’une des meilleures fréquentations des Priziou.
"Heb muzik, Priz ebed"
[Sans musique, pas de Priziou]. Je paraphrase là un slogan bien connu qui veut que la Bretagne n’existe plus si la langue bretonne ne se parlait plus. C’est le groupe Ebel Electrik qui assurait la partie musicale des Priziou cette année. Goulwena l’a présenté comme un power trio blues-rock psychédélique, peu connu jusqu’à présent, mais il sort son premier CD cette semaine. Il se compose de
- Florian Ebel, chant et guitare.
- Basile Tuauden, basse
- Germain Velut, percussions
- Rejoints sur le dernier morceau par Mathilde Hamon
Ça n’a strictement rien de traditionnel ! La musique est tonique à souhait, elle rappelle le rock des années 70. Florian Ebel compose et interprète lui-même ses textes, en breton bien sûr. Sa voix est bien présente et les paroles sont généralement audibles. Ce passage de bonne facture aux Priziou devrait constituer une belle rampe de lancement pour le groupe.
Une nouvelle émission jeunesse
Ceux qui étaient présents dans la salle du Grand Logis à Bruz ont eu le droit en avant-première à un autre scoop : l’annonce de la diffusion d’une nouvelle émission jeunesse en breton à compter de ce samedi 9 mars à 10 h 20 : "Na petra ‘ta !" [Et quoi donc ?] Elle succède à "Mouchig-dall" [Colin-maillard], dont la production avait été arrêtée il y a quelques mois, alors que la diffusion s’était poursuivie jusqu’ici. Elle avait été lancée en 2002 ou 2003, si je me souviens bien, et elle a donc duré une quinzaine d’années : pas si mal !
Le nouveau rendez-vous promet d'être ludique et éducatif, en compagnie d’Erell et Tudu : respectivement Azenor Kallag et Tangi Merien. Ils proposeront aux jeunes téléspectateurs bretonnants de voyager à bord de leur vaisseau, une sorte de sous-marin ailé, de sillonner le monde et de comprendre le fonctionnement de différents concepts, tel que la radio, le cycle de l’eau ou le cinéma d'animation, thème de la première émission.
L'émission est ponctuée de séries animées, sur les sciences, les portes, etc. En plus, elle sera participative : les téléspectateurs pourront poser une question de leur choix, se filmer et l'envoyer à napetrata@francetv.fr ! Et les animateurs leur répondront dans l’émission.
Le programme dure 26’ et c’est toujours une coproduction entre la société rennaise JPL Films et France Télévision.