Cela n'arrive pas si souvent : un colloque a eu lieu mardi dernier à l'Assemblée nationale sur l'avenir des langues régionales en France. Je me suis demandé pourquoi on n'en a rien vu dans la presse. Je me suis dit que ce devait être à cause de la réforme régionale et du redécoupage des régions dont tout le monde parlait au même moment, ou pour cause d'anniversaire du débarquement, dont on a encore bien plus parlé. Ce n'était même pas ça.

• L'initiative est venue de Colette Capdevielle, députée des Pyrénées Atlantiques.
• Claude Bartolone, le président de l'Assemblée, est intervenu en personne pour le lancement du colloque. Étaient prévues ensuite deux tables rondes :
• La 1^ère sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en tant qu'"outil juridique de protection pour les langues menacées", avec la participation d'universitaires, d'experts et de parlementaires
• La 2^e sur l'enseignement, présenté comme la politique phare de la Charte pour l'avenir des langues régionales
• Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois, étant invité à prononcer le discours de clôture.

Que dire de ce colloque ?

Une vingtaine de parlementaires de tous bords a assisté aux tables rondes. Les nombreux militants des langues régionales présents ont pu prendre la parole et exposer leurs revendications.

Que dire du colloque ? Marie-Jeanne Verny fournit des éléments de réponse à cette question sur le site de la FELCO (Fédération des enseignants de langue et de culture d'oc). Elle le considère comme une première et comme le témoignage "d'un intérêt nouveau, dépassionné" de la part de la représentation nationale. L’initiative est le signe, écrit-elle encore, "de l’élévation du niveau des débats sur la question des langues régionales." Il ne faudrait cependant pas sous-estimer le fait que ceux qui leur sont hostiles ne se sont sans doute pas déplacés : on n'a pas rejoué le débat sur la ratification de la Charte à l'Assemblée.

Les représentants des classes bilingues de l'enseignement public ont insisté sur le rôle essentiel qui devrait être le leur pour augmenter le nombre d'élèves touchés par l'enseignement des langues régionales, à la fois pour des raisons démographiques et pour des raisons politiques : l'école de la République ayant si longtemps ignoré les langues autres que le français, c'est à elle de les faire vivre maintenant. Mais les problèmes concrets demeurent :

• Inégalité de traitement entre les différentes langues
• Manque de moyens, de postes de CAPES notamment
• Manque de suivi dans la prise en compte de la question par le Ministère de l'Éducation nationale.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Colette Capdevielle et ses collègues parlementaires ont témoigné de leur vigilance à l'occasion de cette rencontre. Mais comment va-t-on avancer désormais ? Aucune annonce n'a été faite par qui que ce soit, ce n'était apparemment ni le lieu ni le moment.

La question immédiate qui reste en suspens est celle du vote du Sénat sur la ratification de la Charte : tant qu'il ne se sera pas prononcé, elle ne pourra pas être ratifiée. L'ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait envisagé qu'il puisse le faire après les prochaines élections régionales. Comme ces dernières devraient être retardées de plusieurs mois, est-ce à dire que le vote du Sénat sur la Charte le sera aussi ? Et que se passera-t-il si le Sénat change de majorité à l'automne prochain ?

Manuel Valls n'a jusqu'à présent fait aucune déclaration concernant les langues régionales : on ne connaît donc pas ses intentions. Un député de la majorité que j'ai eu au téléphone à ce sujet reste confiant : "il faudra le convaincre, mais il n'y a pas de doute qu'on y arrive." Wait and see ?

Pour en savoir plus : lire le compte rendu complet du colloque par Marie-Jeanne Verny sur le site de la FELCO.