Enseignement bilingue : retour sur une campagne d'affichage
Les avez-vous vues ? 224 affiches en 4x3 comme celle-là ont été apposées sur des panneaux 4x3 au cours du mois d'avril dernier dans les principales villes de Bretagne (Brest, Quimper, Lorient, Vannes, Saint-Brieuc, Rennes et Nantes), et dans les communes environnantes. Au total, ce sont 48 communes qui ont été concernées par cette campagne d'affichage. Les villes moyennes (type Landerneau) n'étaient pas ciblées. Les affiches ont été placées dans les réseaux Decaux et Clearchannel.
Avez-vous compris le message ?
J'ai posé la question à quelques personnes au hasard. Tout d'abord, plusieurs n'avaient même pas vu l'affiche, dont certains sont pourtant fortement impliqués pour l'enseignement du breton. Parmi ceux qui l'ont vue, l'un s'est demandé s'il ne s'agissait pas d'une pub surprise pour promouvoir l'auto-stop. Ceux qui fréquentent un tant soit peu Facebook ont vite décodé le "j'aime" ou le "I like" du réseau social, d'autant que par un effet de zoom le terme "fan" était mis en avant. Le dos de la main de l'adolescent a été jugé sympa.
La compréhension du message, ensuite, devient floue. Il faut bien comprendre que la campagne d'affichage visait surtout les automobilistes. Apparemment, personne n'a pu capter l'ensemble des éléments signifiants présents sur l'affiche :
- certains ont eu le temps de lire "déjà 14 000 enfants", en se demandant de quels enfants il s'agissait
- encore moins nombreux ont été ceux qui ont lu le petit carré noir en haut à droite de l'image faisant référence à l'enseignement bilingue français breton
- une automobiliste a été alertée par le logo de l'Office public de la langue bretonne qu'elle connaissait déjà
- un autre m'a fait observer que le logo de l'Office prenait plus de place que la mention de l'enseignement bilingue.
- le petit triskell dessiné au dos de la main de l'ado s'est vu, mais l'association d'idées avec l'enseignement du breton ne va pas de soi. Je sais bien que ce n'est pas si facile de symboliser graphiquement une langue. Il y avait déjà un triskell en mars sur des panneaux 4x3 placés à Quimper lors de la semaine du breton (voir message du 23 mars). Mais faut-il que dans le cas du breton ce soit forcément un triskell ? Il est peut-être temps de lancer un concours d'imagination.
Bref, il n'y a que ceux qui ont revu l'affiche ensuite sur un autre support, et particulièrement sur internet, qui ont bien perçu qu'il s'agissait d'une campagne d'affichage en faveur de l'enseignement du breton.
Quel bilan ?
Parmi les préconisations que je formulais dans le rapport que j'ai remis en novembre 2010 au recteur de l'Académie de Rennes sur l'enseignement du et en breton, figurait précisément l'organisation périodique de campagnes d'information générale sur la langue bretonne et que soient menées des campagnes ciblées à destination de publics spécifiques, par exemple pour inciter les parents à inscrire leurs enfants en classes bilingues. J'avais repéré au cours de mon enquête un déficit d'image et d'information par rapport à l'enseignement du breton.
La campagne d'affichage du mois dernier a été intégralement financée par la région Bretagne, à hauteur de 30 000 €. L'Office public de la langue bretonne (OPLB) a été chargé de l'organisation de cette campagne, et c'est assez logique dans la mesure où il est devenu un établissement public, d'autant plus que la Vice-présidente aux langues de Bretagne à la région en est également la présidente.
Il est sûrement dommage que cette campagne n'ait pas été organisée en même temps que la semaine de la langue bretonne, au mois de mars (voir message), pour une histoire de timing, m'a-t-on expliqué. Elle a cependant eu lieu avant les vacances de Pâques, au moment où les parents devaient songer à la première inscription de leurs enfants à l'école. Y a-t-il eu beaucoup d'appels au numéro 0820 200 080, qui figurait sur l'affiche ? "Il y en a eu quelques-uns", m'a-t-on sobrement indiqué à l'Office public de la langue bretonne. Nul doute que l'Office proposera bientôt un bilan de cette première opération du genre.
Deux éléments ont sans doute contribué à ce qu'il n'y ait pas eu plus d'appels. Tout d'abord, cette campagne n'a apparemment été mise en œuvre que sur un seul support : pourquoi n'a-t-on pas entrepris une campagne multisupport ? Il faut ensuite se demander si la conception de l'affiche a répondu pleinement à son objectif. Quand l'affiche jouxtait un panneau pour de grandes chaînes commerciales, en matière de lisibilité, la différence était patente.