Retour sur la manif de Carhaix
Les responsables de Kevre Breizh l'ont reconnu eux-mêmes : le contexte pour organiser en ce moment une manifestation est "difficile". Soit. Rassembler "près de 2 000 personnes" – dixit Ouest-France – à Carhaix samedi après-midi n'est pas anecdotique : où voit-on, ailleurs qu'en Bretagne et dans d'autres régions de France de pareils rassemblements périodiques pour revendiquer "un statut pour nos langues" ?
Ce n'était quand même pas "la foule" qu'annonçait le même journal, quelque peu cajoleur, en première page. Rien à voir avec la précédente manifestation, qui avait eu lieu le 31 mars 2012 dans les rues de Quimper. Ni du point de vue de l'affluence : il y a un peu plus de trois ans, ce sont de 8 000 à 12 000 personnes qui s'étaient retrouvées au chef-lieu du département. Ni du point de vue de l'ambiance : à l'époque, j'avais parlé de Breton pride. Rien de tout ça, cette année : la manif était sympathique, mais pas de bagad, juste quelques sonneurs, pas vraiment de slogans, pas de manif dans la manif… Et des revendications quelque peu hétéroclites, avec bien plus de banderoles réclamant la réunification de la Bretagne que la reconnaissance du breton et des autres langues de France. Énormément de gwenn-ha-du, comme d'habitude, quelques bonnets rouges et divers autres drapeaux, comme ceux du NPA que je ne me souviens pas d'avoir vu dans de semblables manifs jusqu'à présent.
Quel peut être l'impact de la manifestation ? On le saura dès demain, à l'occasion du vote qui doit intervenir au Sénat concernant l'éventuelle ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Nous savons plus ou moins que de semblables rassemblements ont eu lieu ailleurs : Le Télégramme comme Ouest-France l'ont signalé en quelques lignes. Mais il faut fouiller dans les entrailles d'internet pour savoir que de 4 000 à 10 000 personnes (selon les sources) ont manifesté à Montpellier, plus de 3 000 à Bayonne, quelques centaines à Ajaccio et à Strasbourg… Les partisans du provençal devaient également se retrouver en Arles. Perpignan doit manifester samedi prochain.
Le problème est que, contrairement à 2012, ces manifestations ne me semblent pas avoir eu beaucoup d'écho sur le plan national. C'est bien de coaguler régionalement divers candidats aux prochaines élections régionales autour de tels événements. Mais qu'en ont entendu dire les Parisiens, les Lyonnais, les Marseillais, voire les Nantais ? Il est bien difficile, dès lors, d'en faire un enjeu du débat national. Les organisateurs argueront qu'ils ne disposent pas de beaucoup de moyens pour l'impulser. S'ils veulent être plus efficients, il est urgent qu'ils intègrent cette donnée à leur réflexion.